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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome IX.djvu/30

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LE PAPE.

Vous n’empêcherez pas que cela soit hideux !

Oui, pendant ce temps-là, parce qu’il faut qu’on mange,
Parce que votre luxe a pris son pain, un ange,
Une âme, une innocence entrera dans la nuit !
Pour vêtir de brocard l’idole qui reluit,
Les colombes du ciel deviendront des orfraies !
Oui, des femmes de chair et d’os, des femmes vraies,
Honnêtes, fleurs d’amour et lys de chasteté,
Paieront de leur pudeur et de leur nudité,
De toutes leurs vertus mortes et dissipées,
Votre imbécillité d’habiller des poupées !
Entendez-vous cela ! Comprenez-vous cela !
Trouvez-vous que je parle assez haut ! Dieu parla
Jadis de cette sorte aux songeurs sur les cimes ;
Et nous quand sur l’autel, pensifs, nous nous assîmes,
Prêtres, ce n’était pas pour être des démons.
Ô mes frères, aimons, aimons, aimons, aimons !

Prêtres, la croix de bois et la robe de bure,
Le front haut chez les rois, et pas d’autre courbure
Que le fléchissement des âmes devant Dieu !
Quoi ! les rois sont la roue et vous êtes l’essieu !
Le peuple est sous vos pieds, parce qu’il est la base,
Et vous faites rouler sur lui ce qui l’écrase !

Sachez que vos grandeurs sont des chutes ! Sachez
Que le fourmillement lugubre des péchés,
Ô noirs vendeurs du temple, emplit votre opulence
Et que Jésus, ayant au flanc le coup de lance,
S’est enfui, se voilant la face, n’ayant pu
Voir le peuple affamé sous le prêtre repu !
Ne pouvant voir cela, Christ a dû disparaître !
Il s’en va. Car pour lui les diamants du prêtre
Ont la même lueur que les yeux du chacal.
Ô froc de bure, ô saint haillon pontifical,
Sois ma splendeur. Je sens rentrer sous cette robe