Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome IX.djvu/445

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les ailes toutes grandes, les yeux fixés sur le soleil de la vérité.

… Toujours plus ardemment spiritualiste le penseur après avoir fait justice — avec quelle lyrique éloquence, avec quelle puissante ironie ! — de toutes les folies et de toutes les erreurs de l’esprit humain, aussi bien dans l’ordre de la croyance que dans l’ordre de la négation, se tourne avec confiance vers l’idéal et pousse un cri d’espérance sublime. Comme on le voit, c’est une conception pleine de grandeur et de simplicité ; mais ce dont nous ne saurions donner une idée, ce sont les trésors de poésie que Victor Hugo a semés là de ses mains prodigues. L’auteur de la Légende des Siècles est arrivé à une sécurité dans la perfection qui stupéfie tous les artistes en rimes ; tandis que les meilleurs d’entre nous cisèlent patiemment leurs vers, Victor Hugo produit les siens avec la force infaillible d’un balancier qui frappe des médailles éternelles. Nous ne donnerons pas ici un seul extrait, un seul vers de l’Âne. C’est dans son ensemble harmonieux qu’il faut contempler ce chef-d’œuvre ; il étincelle comme le firmament d’une belle nuit d’été ; nous n’aurons pas la témérité d’y choisir une étoile.

Sentant notre insuffisance, nous ne voulions pas d’abord parler du nouveau poème ; mais il nous eût été douloureux d’écrire ce feuilleton, signé d’un nom très humble, mais qui est celui d’un homme entièrement dévoué à la poésie, sans nous incliner avant tout devant notre maître bien-aimé et sans exprimer notre joie de poète et notre orgueil de patriote à la pensée que la France a le bonheur de posséder aujourd’hui ce qui existe de plus grand dans le monde intellectuel, c’est-à-dire Victor Hugo !

Le Progrès artistique.

Georges LEFÈVRE.

(29 octobre 1880.)

… Aujourd’hui je m’approche du nouveau chef-d’œuvre du maître avec une sorte de terreur religieuse. Je sens dans ces pages un tel souffle, une telle intensité de vie, que je crains de me voir accuser d’admiration aveugle et instinctive.

… Comment faire comprendre, sans tout citer, l’énorme gaîté homérique dont Hugo allume à chaque instant les fusées ? Comment dire quelle prodigieuse verve dans chacun de ces vers ciselés et rimes d’une manière si étincelante ?

… Devant cette éternelle jeunesse du maître, de celui sur lequel ont bavé toutes les , limaces de la réaction, je suis heureux d’apporter l’humble hommage de ma respectueuse admiration à la plus grande gloire littéraire de la France.

Le Siècle.

Edmond TEXIER.

(31 octobre 1880.)

Voici un nouveau poème philosophique et voici un nouveau chef-d’œuvre. Le mouvement littéraire peut s’affaiblir, le roman peut glisser dans les bas-fonds du naturalisme, l’art dramatique peut subir un perpétuel ballottement entre la grivoiserie et le faux tragique, la poésie nous reste, grâce à Victor Hugo. Le maître est toujours là. Il ne se contente pas de dominer le siècle, il le soutient ; il le porte comme un aïeul encore vert porterait un petit-fils anémique dans ses bras robustes. Le sujet de l’Âne est aussi vaste que la fausse science humaine, que ce pédantisme dont Victor Hugo a été de tout temps le plus formidable adversaire. Qu’on se rappelle les anathèmes lancés dans les Contemplations à la tête de la pédagogie et des cuistres, ces oiseleurs qui coupent les ailes de l’enfance : on les retrouvera, dans le nouveau poème, développés et pour ainsi dire solennisés.

… La protection du génie indépendant et lumineux contre le brouillard entretenu par la conspiration des médiocrités éclate dans chaque vers de cet admirable poème. Victor Hugo s’y montre révolutionnaire dans le sens sublime du mot. Il engage l’humanité à s’insurger contre la tyrannie du bouquin, contre le despotisme de l’éducation étouffée, contre ce vieil esprit théologique dont l’épaisse buée suffit à arrêter le pur rayon de l’esprit moderne.

Le Parlement.

Paul BOURGET.

(31 octobre 1880.)

Le poème nouveau dont je viens d’écrire le titre à la tête de cette chronique pourrait s’appeler encore d’un nom de fable, et ce