Aller au contenu

Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le noir trousseau de clefs de l’enfer entr’ouvert ;
Pas plus que le sapin ne cesse d’être vert,
Pas plus que le soleil ne renonce au solstice,
Nous n’oublions l’honneur, le droit et la justice ;
En présence du mal que les despotes font
Nous prenons à témoin le firmament profond ;
Nous écrivons avec une plume de bronze ;
Philippe deux, Sylla, Tibère, Louis onze,
Sont là sous notre œil fixe, et tremblent ; les saisons
Passent, que nous importe ! indignés, nous laissons
S’envoler dans les vents des pages redoutées ;
Si l’empereur est Dieu nous sommes des athées ;
À de certains moments, voyant Satan debout,
Nous nous exaspérons au point de nier tout,
Et l’indignation de nos cœurs se hérisse
Jusqu’à mordre parfois notre âme, sa nourrice ;
Mais Dieu permet la plainte au juste qui le sert ;
L’été, quelle que soit l’âpreté du désert,
Nous rêvons, écoutant le chant de la cigale ;
Nous avons des petits ; notre table frugale
Est offerte à quiconque arrive et dit : J’ai faim.
Nous contemplons le ciel, nous attendons la fin ;
Nous murmurons : Viens, toi, Némésis, qui délivres !
Nous écrivons au bord des mers d’austères livres,
Et ce que nous disons, faisons et publions
Ressemble à la colère énorme des lions.


30 novembre.