Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Exécrable passé qui toujours se relève
Et sur l’humanité se dresse menaçant !
Saulx-Tavanne, écumant une écume de sang,
Criant : Égorgez tout ! Dieu fera le triage !
La juive de seize ans brûlée au mariage
De Charles deux avec Louise d’Orléans,
Et dans l’autodafé plein de brasiers béants
Offerte aux fiancés comme un cierge de noce ;
Campanella brisé par l’église féroce ;
Jordan Bruo lié sous un ruisseau de poix
Qui ronge par sa flamme et creuse par son poids ;
D’Albe qui dans l’horreur des bûchers se promène
Séchant sa main sanglante à cette braise humaine ;
Galilée abaissant ses genoux repentants ;
La place d’Abbeville où Labarre à vingt ans,
Pour avoir chansonné toute cette canaille,
Eut la langue arrachée avec une tenaille,
Et hurla dans le feu, tordant ses noirs moignons ;
Le marché de Rouen dont les sombres pignons
Ont le rouge reflet de ton supplice, ô Jeanne !
Huss brûlé par Martin, l’aigle tué par l’âne ;
Farnèse et Charles-Quint, Grégoire et Sigismond,
Toujours ensemble assis comme au sommet d’un mont,
À leurs pieds toute l’âme humaine épouvantée
Sous cet effrayant Dieu qui fait le monde athée ;
Ce passé m’apparaît ! Vous me faites horreur,
Croulez, toi monstre pape, et toi monstre empereur !


25 mai.