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230 LA FIN DE SATAN

Dans ce lieu morne, La minute est bourreau, l’heure est épouvantail. Une horloge apparaît au-dessus du portail; Autour du cadran triste, une chaîne est sculptée, Cercle affreux, chaîne énorme à lier Prométhée; Elle entoure le temps, et, monstrueuse à voir, Saisit par ses deux bouts, au bas du fronton noir, Une statue étrange et morne, prisonnière, Qui grince et fait effort pour sortir de la pierre; La statue a deux fronts, l’un jeune et l’autre vieux; Sur le cadran, rouillé par l’hiver pluvieux, L’aiguille, résumant dans une heure une vie, Par la chaîne toujours à tous ses pas suivie, Part du jeune homme et vient aboutir au vieillard. Lugubre, elle paraît marcher sous un brouillard; On croit voir l’affreux doigt de la Bastille sombre Montant ce qu’elle fait du prisonnier dans l’ombre, Et disant : – C’est ici que les pas sont tremblants, Et que les cheveux noirs deviennent cheveux blanc. –

Effroyable prison qui n’a point de mémoire! La geôle, au dehors noire, est aveugle au dedans; Elle prend, sans les voir, des hommes dans ses dents, Et sans s’informer d’eux, les mâche et les dévore.

En entrant dans ces murs terribles, où, pour eux, Les heures maintenant, hélas! seront si lentes, Les captifs sont inscrits sur des feuilles volantes; Pas de livre d’écrou. Tout est fait de façon