Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/152

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Écoutez, vous trouverez, dans les vieilles ruines de Crag, des enseignes pour vos troupes. N’oubliez pas le cri : Vive Schumacker ! Sauvons Schumacker ! Il faut que nous nous séparions ; le jour ne va pas tarder à paraître. Mais auparavant, jurez le plus inviolable secret sur ce qui se passe entre nous.

Sans répondre une parole, les trois chefs s’ouvrirent la veine du bras gauche avec la pointe d’un sabre ; ensuite, saisissant la main de l’envoyé, ils y laissèrent couler chacun quelques gouttes de sang.

— Vous avez notre sang, lui dirent-ils.

Puis le jeune s’écria :

— Que tout mon sang s’écoule comme celui que je verse en ce moment ; qu’un esprit malfaisant se joue de mes projets, comme l’ouragan d’une paille ; que mon bras soit de plomb pour venger une injure ; que les chauves-souris habitent mon sépulcre ; que je sois, vivant, hanté par les morts ; mort, profané par les vivants ; que mes yeux se fondent en pleurs comme ceux d’une femme, si jamais je parle de ce qui a lieu, à cette heure, dans la clairière de Ralph le Géant. Daignent les bienheureux saints m’entendre !

— Amen, répétèrent les deux vieillards.

Alors ils se séparèrent, et il ne resta plus dans la clairière que le foyer à demi éteint dont les rayons mourants montaient par intervalles jusqu’au faîte des tours ruinées et solitaires de Ralph le Géant.