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XXVII

Ah ! voilà notre belle comtesse ! — Pardon, madame, si je ne puis aujourd’hui profiter de l’honneur de votre visite. Je suis en affaires. Une autre fois, chère comtesse, une autre fois ; mais, pour aujourd’hui, je ne vous retiens pas plus longtemps ici.
Le prince à Orsina.



Le lendemain de sa visite à Munckholm, de grand matin, le gouverneur de Drontheim ordonna qu’on attelât sa voiture de voyage, espérant partir pendant que la comtesse d’Ahlefeld dormirait encore ; mais nous avons déjà dit que le sommeil de la comtesse était léger.

Le général venait de signer les dernières recommandations qu’il adressait à l’évêque, aux mains duquel le gouvernement devait être remis par intérim. Il se levait, après avoir endossé sa redingote fourrée, pour sortir, quand l’huissier annonça la noble chancelière.

Ce contre-temps déconcerta le vieux soldat, accoutumé à rire devant la mitraille de cent canons, mais non devant les artifices d’une femme. Il fit néanmoins d’assez bonne grâce ses adieux à la méchante comtesse, et ne laissa percer quelque humeur sur son visage que lorsqu’il la vit se pencher vers son oreille avec cet air astucieux qui voulait seulement paraître confidentiel.

— Eh bien, noble général, que vous a-t-il dit ?

— Qui ? Poël ? il m’a dit que la voiture allait être prête.

— Je vous parle du prisonnier de Munckholm, général.

— Ah !

— A-t-il répondu à votre interrogatoire d’une manière satisfaisante ?

— Mais… oui vraiment, dame comtesse, dit le gouverneur, dont on devine l’embarras.

— Avez-vous la preuve qu’il ait trempé dans le complot des mineurs ?

Une exclamation échappa à Levin.

— Noble dame, il est innocent !

Il s’arrêta tout court, car il venait d’exprimer une conviction de son cœur, et non de son esprit.

— Il est innocent ! répéta la comtesse d’un air consterné, quoique incrédule ; car elle tremblait qu’en effet Schumacker n’eût démontré au général