Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/216

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La bonne Maase, à la fois contrariée du prompt départ de l’étranger et flattée des éloges qu’il donnait à son stock-fish et à son frère, s’écria :

— Vous êtes bien bon, seigneur. Mais comment ! vous allez nous quitter si tôt ?

— Il le faut.

— Vous hasarder dans ces montagnes à cette heure et par un temps semblable ?

— C’est pour une affaire importante.

Ces réponses du jeune homme piquaient la curiosité native de ses hôtes autant qu’elles excitaient leur étonnement.

Le pêcheur se leva et dit :

— Vous êtes chez Christophe Buldus Braal, pêcheur, du hameau de Surb.

La femme ajouta :

— Maase Kennybol est sa femme et sa servante.

Quand les paysans norvégiens voulaient demander poliment son nom à un étranger, leur usage était de lui dire le leur.

Ordener répondit :

— Et moi, je suis un voyageur qui n’est sûr ni du nom qu’il porte, ni du chemin qu’il suit.

Cette réponse singulière ne parut pas satisfaire le pêcheur Braal.

— Par la couronne de Gormon le Vieux, dit-il, je croyais qu’il n’y avait en ce moment en Norvège qu’un seul homme qui ne fût pas sûr de son nom. C’est le noble baron de Thorvick, qui va s’appeler maintenant, assure-t-on, le comte de Danneskiold, à cause de son glorieux mariage avec la fille du chancelier. C’est du moins, ma bonne Maase, la plus fraîche nouvelle que j’aie apportée de Drontheim. — Je vous félicite, seigneur étranger, de cette conformité avec le fils du vice-roi, le grand comte Guldenlew.

— Puisque votre courtoisie, ajouta la femme avec un visage enflammé de curiosité, paraît ne pouvoir rien nous dire de ce qui lui touche, ne pourrait-elle pas nous apprendre quelque chose de ce qui se passe en ce moment ; par exemple, de ce fameux mariage dont mon seigneur et mari a recueilli la nouvelle ?

— Oui, reprit celui-ci d’un air important, c’est ce qu’il y a de plus nouveau. Avant un mois, le fils du vice-roi épouse la fille du grand-chancelier.

— J’en doute, dit Ordener.

— Vous en doutez, seigneur ! Je puis vous affirmer, moi, que la chose est sûre. Je la tiens de bonne source. Celui qui m’en a fait part l’a appris du seigneur Poël, le domestique favori du noble baron de Thorvick, c’est-à-