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PRÉFACE DE LA DEUXIÈME ÉDITION.



On a affirmé à l’auteur de cet ouvrage qu’il était absolument nécessaire de consacrer spécialement quelques lignes d’avertissement, de préface, ou d’introduction à cette seconde édition. Il a eu beau représenter que les quatre ou cinq malencontreuses pages vides qui escortaient la première édition, et dont le libraire s’est obstiné à déparer celle-ci, lui avaient déjà attiré les anathèmes de l’un de nos écrivains les plus honorables et les plus distingués[1], lequel l’avait accusé de prendre le ton aigre-doux de l’illustre Jedediah Cleishbotham, maître d’école et sacristain de la paroisse de Gandercleugh ; il a eu beau alléguer que ce brillant et judicieux critique, de sévère pour la faute, deviendrait sans doute impitoyable pour la récidive ; et présenter, en un mot, une foule d’autres raisons non moins bonnes pour se dispenser d’y tomber, il paraît qu’on lui en a opposé de meilleures, puisque le voici maintenant écrivant une seconde préface, après s’être tant repenti d’avoir écrit la première. Au moment d’exécuter cette détermination hardie, il conçut d’abord la pensée de placer en tête de cette seconde édition ce dont il n’avait pas osé charger la première, savoir quelques vues générales et particulières sur le roman. Méditant ce petit traité littéraire et didactique, il était encore dans cette mystérieuse ivresse de la composition, instant bien court, où l’auteur, croyant saisir une idéale perfection qu’il n’atteindra pas, est intimement ravi de son ouvrage à faire ; il était, disons-nous, dans cette heure d’extase intérieure, où le travail est un délice, où la possession secrète de la muse semble bien plus douce que l’éclatante poursuite de la gloire, lorsqu’un de ses amis les plus sages est venu l’arracher brusquement à cette possession, à cette extase, à cette ivresse, en lui assurant que plusieurs hommes de lettres très

  1. M. C. Nodier. Quotidienne du 12 mars.