Aller au contenu

Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

y camperont cette nuit. Au premier feu que tu verras briller, fonds sur eux avec les tiens. La victoire sera aisée.

— Brave homme, l’avis est bon, et je vous en remercie. Mais comment savez-vous ce que vous me dites ?

— Si tu me connaissais, colonel, tu me demanderais plutôt comment il se pourrait faire que je ne le susse point.

— Qui donc êtes-vous ?

L’homme frappa du pied.

— Je ne suis point venu ici pour te dire cela.

— Ne craignez rien. Qui que vous soyez, le service que vous rendez sera votre sauvegarde. Peut-être étiez-vous du nombre des rebelles ?

— J’ai refusé d’en être.

— Alors pourquoi taire votre nom, puisque vous êtes un fidèle sujet du roi ?

— Que t’importe ?

Le colonel voulut tirer encore quelques éclaircissements de ce singulier donneur d’avis.

— Dites-moi, est-il vrai que les brigands soient commandés par le fameux Han d’Islande ?

— Han d’Islande ! répéta le petit homme avec une inflexion de voix extraordinaire.

Le baron recommença sa question. Un éclat de rire, qui eût pu passer pour un rugissement, fut toute la réponse qu’il put obtenir. Il essaya plusieurs autres questions sur le nombre et les chefs des mineurs, le petit homme lui ferma la bouche.

— Colonel des arquebusiers de Munckholm, je t’ai dit tout ce que j’avais à te dire. Embusque-toi dès aujourd’hui dans le défilé du Pilier-Noir avec ton régiment entier, et tu pourras écraser tout ce troupeau d’hommes.

— Vous ne voulez pas me dévoiler qui vous êtes, ainsi vous vous privez de la reconnaissance du roi ; mais il n’en est pas moins juste que le baron Vœthaün vous témoigne sa gratitude du service que vous lui rendez.

Le colonel jeta sa bourse aux pieds du petit homme.

— Garde ton or, colonel, dit celui-ci. Je n’en ai pas besoin ; et, ajouta-t-il, en montrant un gros sac suspendu à sa ceinture de corde, s’il te fallait un salaire pour tuer ces hommes, j’aurais encore, colonel, de l’or à te donner en paiement de leur sang.

Avant que le colonel fut revenu de l’étonnement où l’avaient jeté les inexplicables paroles de cet être mystérieux, il avait disparu.

Le baron Vœthaün retourna lentement sur ses pas, en se demandant ce qu’on devait ajouter de foi aux avis de cet homme. Au moment où il ren-