Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/328

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lèrent. Le petit homme, prompt comme le tonnerre, s’élança sur le montagnard découvert, et d’un nouveau coup de poignard il le fit tomber sur le corps du soldat. Alors, dépouillant sa natte de jonc, sa fausse chevelure et sa barbe noire, il dévoila ses membres nerveux, hideusement revêtus de peaux de bêtes, et un visage qui répandit plus d’horreur encore parmi les assistants que le poignard sanglant dont il élevait le fer dégouttant de deux meurtres.

— Hé ! juges, où est Han d’Islande ?

— Gardes, qu’on saisisse ce monstre ! cria le président épouvanté.

Han jeta dans la salle son poignard.

— Il m’est inutile, s’il n’y a plus ici de soldats de Munckholm.

En parlant ainsi, il se livra sans résistance aux hallebardiers et aux archers qui l’entouraient, se préparant à l’assiéger comme une ville. On enchaîna le monstre sur le banc des accusés, et une litière emporta ses deux victimes, dont l’une, le montagnard, respirait encore.

Il est impossible de peindre les divers mouvements de terreur, d’étonnement et d’indignation qui, pendant cette scène horrible, avaient agité le peuple, les gardes et les juges. Quand le brigand eut pris place, calme et impassible, sur le banc fatal, le sentiment de la curiosité imposa silence à toute autre impression, et l’attention rétablit la tranquillité.

L’évêque vénérable se leva :

— Seigneurs juges… dit-il.

Le brigand l’interrompit :

— Évêque de Drontheim, je suis Han d’Islande ; ne prends pas la peine de me défendre.

Le secrétaire intime se leva.

— Noble président…

Le monstre lui coupa la parole :

— Secrétaire intime, je suis Han d’Islande ; ne prends pas le soin de m’accuser.

Alors, les pieds dans le sang, il promena son œil farouche et hardi sur le tribunal, les archers et la foule, et l’on eût dit que tous ces hommes palpitaient d’épouvante sous le regard de cet homme désarmé, seul et enchaîné.

— Écoutez, juges, n’attendez pas de moi de longues paroles. Je suis le démon de Klipstadur. Ma mère est cette vieille Islande, l’île des volcans. Elle ne formait autrefois qu’une montagne, mais elle a été écrasée par la main d’un géant qui s’appuya sur sa cime en tombant du ciel. Je n’ai pas besoin de vous parler de moi ; je suis le descendant d’Ingolphe l’Exterminateur, et je porte en moi son esprit. J’ai commis plus de meurtres et allumé