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RELIQUAT DES MISÉRABLES.

La notice historique montrera que Victor Hugo a été moins « impénétrable » qu’il ne le croyait ; et le soin qu’il a apporté dès l’origine, à mettre des initiales à la place des noms de ville prouve qu’il voulait respecter l’anonymat tout au moins d’un des personnages réels qu’il avait mis en scène.

Victor Hugo parle dans une autre ébauche «de l’histoire d’une de ces fourmis que la loi sociale écrase». C’est bien l’histoire de Jean Valjean. Nous la datons de 1845, époque à laquelle il commençait son roman.

En 1851, il écrivait deux lignes avec ce titre : Préface des Misères. Puis il accumulait des notes que nous ne reproduisons pas, parce qu’elles n’ont rien de caractéristique. Elles sont jointes au reliquat du manuscrit.

Enfin on peut fixer les dates de 1860 et de 1861 pour les quatre dernières ébauches. Elles offrent un intérêt particulier. À ce moment Victor Hugo avait préparé sa préface philosophique qu’il songea jusqu’à la dernière heure à réviser, à coordonner, à compléter. Mais, prévoyant qu’il serait pressé par le temps, ayant peut-être l’idée de la réserver, il prenait des notes inspirées d’ailleurs de cette préface et qui lui serviront à rédiger les douze lignes publiées en tête de son roman.




À ceux qui nous demanderaient si cette histoire est arrivée, comme on dit, nous répondrions que peu importe. Si ce livre renferme par hasard une leçon ou un conseil, si dans les faits et dans les sentiments il contient des choses qui sont, il aura rempli son but. Il aura toujours assez de réalité, s’il a quelque utilité. L’important n’est pas qu’une histoire soit véritable, mais qu’elle soit vraie.

Du reste, pour ceux des lecteurs qui, à l’exactitude rigoureuse de certains détails, lesquels touchent à des côtés inconnus et curieux de l’histoire contemporaine, croiraient pouvoir conclure que ce livre a pour base un fait véritable, l’auteur juge convenable d’ajouter ici qu’en ce qui concerne les lieux et les personnes, il s’est fait une loi du reste impénétrable, et qu’à part les personnages tout à fait historiques, les noms ou les initiales sont combinés de façon à dérouter toutes les conjectures. [1830[1].]




Il y a des hommes qui, à force de se haïr eux-mêmes, en arrivent à haïr les autres, et sont sévères pour tous par la seule raison qu’ils se jugent eux-mêmes sévèrement. Il y en a d’autres que le profond sentiment de leur infirmité et de leur faiblesse dispose à l’indulgence et à la commisération. L’auteur de ce livre est de ces derniers. [1834-1835.]




J’ai tâché de raconter l’histoire d’une de ces fourmis que la loi sociale écrase sans le vouloir et sans le savoir. On ne s’en doute pas et l’on va toujours.

  1. Nous avons placé entre crochets les dates que nous avons attribuées à ces diverses ébauches de préface.