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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome III.djvu/422

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RELIQUAT DES MISÉRABLES.

c’est à Dieu lui-même, qu’agenouillé, prosterné et me frappant la poitrine, je demande s’il m’est jamais arrivé, à moi misérable homme, à moi cendre promise aux vers, à moi atome, à moi néant, d’écrire, même irrité, même indigné, même frémissant, un livre dont l’unique et profond souffle ne fût pas un immense amour !




Montrer l’ascension d’une âme, et à cette occasion peindre dans leur réalité tragique les bas-fonds d’où elle sort, afin que les sociétés humaines se rendent compte de l’enfer qu’elles ont à leur base, et qu’elles songent enfin à faire lever une aube dans ces ténèbres ; avertir, ce qui est la façon la plus discrète de conseiller ; tel est le but de ce livre. [1860.]




Oh ! je crois. Je crois profondément. Je ne verrai jamais les mains d’un petit enfant sans chercher à les joindre vers Dieu. Je crois à l’âme ; je crois au moi libre, persistant et responsable ; je crois à l’amour, je crois à la vie ; je crois à la tombe sombre et splendide ; je crois, mon Dieu ! je crois, ma fille ! j’aime l’immensité ; j’espère, j’adhère et j’en prends à témoin le printemps, l’aurore, les berceaux, la joie des mères, les champs, le cri des troupeaux, les nuées, le bruit des fontaines, le jour, la nuit et la prodigieuse course des météores. [1861.]




préface.

Tant que l’homme se croira le droit d’introduire l’indissoluble dans ses mœurs et l’irréparable dans ses lois, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.

Ce livre n’est pas autre chose qu’une protestation contre l’inexorable. [Fin 1861.]




Si les personnes qui liront ce livre sentent après cette lecture un arrière-goût amer, qu’elles ne s’en étonnent pas, cet arrière-goût est celui que laisse au philosophe la société actuelle.

Quelque chose de cette société, ce qu’elle a de plus triste et de plus douloureux, a été tordu et exprimé dans les Misérables ; de là la saveur amère de ce livre.

Il y a des amertumes utiles. Peut-être ce livre sera-t-il bon à quelque chose. C’est une coupe où l’auteur a mis un peu de ce qui est au fond de la société humaine au dix-neuvième siècle. Goûtez-y. Ensuite songez. [Fin 1861.]