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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IV.djvu/556

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RELIQUAT DES MISÉRABLES.

la-Maraude s’appelle madame de Saint-Alphonse. La chenille était vraie, le papillon est faux ; voilà tout le changement. Torchon est devenu chiffon.

Régnier disait : les truies ; nous disons : les biches.

Autres modes ; mêmes mœurs.

La Vierge folle est lugubrement immuable.


Qui voit ce genre d’angoisses voit l’extrémité du malheur humain.

Ce sont là les zones noires. La nuée funeste y crève, l’amoncellement du mal s’y dissout en malheur, la morne tourmente des fatalités y souffle des bouffées de désespoir, un ruissellement continu d’épreuves et de douleurs y accable dans l’ombre des têtes échevelées ; rafales, grêles, tumultes farouches, un engouffrement de détresses roule, revient et tourbillonne ; il pleut, il pleut sans cesse, il pleut de l’horreur, il pleut du vice, il pleut du crime, il pleut de la nuit ; il faut explorer cette obscurité pourtant, et nous y entrons, et la pensée essaye dans ce sombre orage un pénible vol d’oiseau mouillé.

Il y a toujours une vague épouvante spectrale dans ces régions basses où l’enfer pénètre ; elles sont si peu dans l’ordre humain, et si disproportionnées, qu’elles créent des fantômes. Aussi une légende est-elle attachée à ce bouquet sinistre offert par Bicêtre à la Salpêtrière ou par la Force à Saint-Lazare. On la raconte le soir dans les chambrées quand la ronde des surveillants est passée.

C’était peu après l’assassinat du changeur Joseph. Un bouquet fut envoyé de la Force à une prison de femmes, Saint-Lazare ou les Madelonnettes. Il y avait dans ce bouquet un lilas blanc qu’une des prisonnières choisit.

Un ou deux mois s’écoulèrent ; cette femme sortit de prison. Elle était profondément éprise, à travers le lilas blanc, du maître inconnu qu’elle s’était donné. Elle commença envers lui son étrange fonction de sœur, de mère, d’épouse mystique, ignorant son nom, sachant seulement son chiffre d’écrou. Toutes ces misérables économies, religieusement déposées au greffe, allaient à cet homme. Afin de mieux se fiancer à lui, elle avait profité du printemps qui était venu pour cueillir dans les champs un vrai lilas blanc. Cette branche de lilas, attachée par un ruban bleu-ciel au chevet de son lit, y faisait pendant au rameau de buis bénit qui ne manque jamais à ces pauvres alcôves désolées. Le lilas sécha ainsi.

Cette femme avait, comme tout Paris, entendu parler de l’affaire du Palais-Royal et des deux italiens, Malagutti et Ratta, arrêtés pour le meurtre du changeur. Elle songeait peu à cette tragédie qui ne la regardait point, et vivait dans son lilas blanc. Ce lilas résumait tout pour elle, et elle ne pensait qu’à faire vis-à-vis de lui « son devoir ». Un jour, par un beau soleil, elle était dans sa chambre et cousait on ne sait quelle nippe pour sa triste toilette du soir. De temps en temps, elle tournait les yeux, et regardait le lilas. Dans un de ces instants-là, comme sa prunelle était fixée sur la petite grappe blanche fanée, elle entendit sonner quatre heures.

Alors elle vit une chose étrange.

Une sorte de perle rouge sortit de l’extrémité inférieure de la branche de lilas desséchée, grossit lentement, se détacha, et tomba sur le drap blanc du lit.