— Oui, mais l’escorte ?
— On tuera l’escorte.
— Mais est-ce que c’est par cette route-ci qu’elle passe ?
— On le dit.
— C’est donc alors qu’elle viendrait de Vitré ?
— Pourquoi pas ?
— Mais c’est qu’on disait qu’elle venait de Fougères.
— Qu’elle vienne de Fougères ou de Vitré, elle vient du diable.
— Oui.
— Et il faut qu’elle y retourne.
— Oui.
— C’est donc à Parigné qu’elle irait ?
— Il paraît.
— Elle n’ira pas.
— Non.
— Non, non, non !
— Attention !
Il devenait utile de se taire en effet, car il commençait à faire un peu jour.
Tout à coup les hommes embusqués retinrent leur respiration ; on entendait un bruit de roues et de chevaux. Ils regardèrent à travers les branches et distinguèrent confusément dans le chemin creux une longue charrette, une escorte à cheval, quelque chose sur la charrette ; cela venait à eux.
— La voilà ! dit celui qui paraissait le chef.
— Oui, dit un des guetteurs, avec l’escorte.
— Combien d’hommes d’escorte ?
— Douze.
— On disait qu’ils étaient vingt.
— Douze ou vingt, tuons tout.
— Attendons qu’ils soient en pleine portée.
Peu après, à un tournant du chemin, la charrette et l’escorte apparurent.
— Vive le roi ! cria le chef paysan.
Cent coups de fusil partirent à la fois.
Quand la fumée se dissipa, l’escorte aussi était dissipée. Sept cavaliers étaient tombés, cinq s’étaient enfuis. Les paysans coururent à la charrette.
— Tiens, s’écria le chef, ce n’est pas la guillotine. C’est une échelle.
La charrette avait en effet pour tout chargement une longue échelle.
Les deux chevaux s’étaient abattus, blessés ; le charretier avait été tué, mais pas exprès.