Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IX.djvu/303

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.

XIII

BOURREAU.

Les quatre pistolets chargés avaient été posés sur les dalles, car cette salle n’avait pas de plancher. L’Imânus en prit deux, un dans chaque main.

Il s’avança obliquement vers l’entrée de l’escalier que le coffre obstruait et masquait.

Les assaillants craignaient évidemment quelque surprise, une de ces explosions finales qui sont la catastrophe du vainqueur en même temps que celle du vaincu. Autant la première attaque avait été impétueuse, autant la dernière était lente et prudente. Ils n’avaient pas pu, ils n’avaient pas voulu peut-être enfoncer violemment le coffre ; ils en avaient démoli le fond à coups de crosse, et troué le couvercle à coups de bayonnette, et par ces trous ils tâchaient de voir dans la salle avant de se risquer à y pénétrer.

La lueur des lanternes dont ils éclairaient l’escalier passait à travers ces trous.

L’Imânus aperçut à un de ces trous une de ces prunelles qui regardaient. Il ajusta brusquement à ce trou le canon d’un de ses pistolets et pressa la détente. Le coup partit, et l’Imânus, joyeux, entendit un cri horrible. La balle avait crevé l’œil et traversé la tête, et le soldat qui regardait venait de tomber dans l’escalier à la renverse.

Les assaillants avaient entamé assez largement le bas du couvercle en deux endroits, et y avaient pratiqué deux espèces de meurtrières ; l’Imânus profita de l’une de ces entailles, y passa le bras, et lâcha au hasard dans le tas des assiégeants son deuxième coup de pistolet. La balle ricocha probablement, car on entendit plusieurs cris, comme si trois ou quatre étaient tués ou blessés, et il se fit dans l’escalier un grand tumulte d’hommes qui lâchent pied et qui reculent.

L’Imânus jeta les deux pistolets qu’il venait de décharger, et prit les deux qui restaient ; puis, les deux pistolets à ses deux poings, il regarda par les trous du coffre.

Il constata le premier effet produit.

Les assaillants avaient redescendu l’escalier. Des mourants se tordaient sur les marches ; le tournant de la spirale ne laissait voir que trois ou quatre degrés.

L’Imânus attendit.

— C’est du temps de gagné, pensait-il.