Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IX.djvu/434

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actions. Ce polisson et ce Géronte font dans ma pauvre caboche un assez mauvais ménage. Cela s’appelle une conscience troublée. Je n’en suis pas moins un bon vivant[1].


En faisant aujourd’hui mon examen de conscience dans cette petite pharmacie intime qui est donnée à tout homme, j’ai trouvé un flacon verdâtre inattendu, avec cette inscription : huile de belladone. Je n’ai pu retrouver dans ma collection ce souvenir. Pourquoi diable suis-je maître et seigneur d’un flacon de belladone ?


— Madame, s’écria le duc, un vendredi, la curiosité doit faire maigre.


… Sur quoi le duc s’écria :

— L’homme, pour aimer, veut plaindre, et un peu mépriser.


Pourquoi deux principes ? s’écria le duc. Votre manichéisme est une illusion d’optique. Quant à moi, je réponds ceci aux manichéens. Le cheval, battu par derrière, nourri par devant, croit être l’esclave de deux génies, l’un mauvais, l’autre bon, l’un qui le bat, l’autre qui le soigne. C’est le même. Le cocher. Eh bien, l’erreur que le cheval fait par rapport à l’homme, l’homme la fait par rapport à Dieu. — Si Dieu il y a[2].


Quant à Orphée, reprit le duc, nous ne le connaissons que par ses abus de pouvoir sur les lions et les tigres.


Le duc s’écria :

Les dieux peuvent être en os, en jade, en plume, en bois, en pierre, en épine.

Il y a un dieu en pierre qui est intéressant, il est plat, on le jette à la mer, et il revient. Il s’appelle Tougarou[3]. Il est le génie du pays d’Émio. Il ressemble au

  1. Au verso d’une enveloppe timbrée : 16 mars 63 (Note de l’éditeur.)
  2. Verso d’une enveloppe timbrée : Avril 63. (Note de l’éditeur.)
  3. « Le dieu Tougarou, qui est une pierre, a été perdu par un magicien et ramassé par un matelot qui l’a apporté en Europe. Ce dieu était à l’exposition de Paris en 1867 dans une vitrine sous le numéro 685. » (Note de Victor Hugo.)