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LES MISÉRABLES. — L’IDYLLE RUE PLUMET.

L’avenir appartient encore bien plus aux cœurs qu’aux esprits. Aimer, ilà la seule chose qui puisse occuper et emplir l’éternité. À l’infini, il faut l’inépuisable.




L’amour participe de l’âme même. Il est de même nature qu’elle. Comme elle il est étincelle divine, comme elle il est incorruptible, indivisible, impérissable. C’est un point de feu qui est en nous, qui est immortel et infini, que rien ne peut borner et que rien ne peut éteindre. On le sent brûler jusque dans la moelle des os et on le voit rayonner jusqu’au fond du ciel.




Ô amour ! adorations ! volupté de deux esprits qui se comprennent, de deux cœurs qui s’échangent, de deux regards qui se pénètrent ! Vous me viendrez, n’est-ce pas, bonheurs ! Promenades à deux dans les solitudes ! journées bénies et rayonnantes ! J’ai quelquefois rêvé que de temps en temps des heures se détachaient de la vie des anges et venaient ici-bas traverser la destinée des hommes.




Dieu ne peut rien ajouter au bonheur de ceux qui s’aiment que de leur donner la durée sans fin. Après une vie d’amour, une éternité d’amour, c’est une augmentation en effet ; mais accroître en son intensité même la félicité ineffable que l’amour donne à l’âme dès ce monde, c’est impossible, même à Dieu. Dieu, c’est la plénitude du ciel ; l’amour, c’est la plénitude de l’homme.




Vous regardez une étoile pour deux motifs, parce qu’elle est lumineuse et parce qu’elle est impénétrable. Vous avez auprès de vous un plus doux rayonnement et un plus grand mystère, la femme.




Tous, qui que nous soyons, nous avons nos êtres respirables. S’ils nous manquent, l’air nous manque, nous étouffons. Alors on meurt. Mourir par manque d’amour, c’est affreux. L’asphyxie de l’âme !




Quand l’amour a fondu et mêlé deux êtres dans une unité angélique et sacrée, le secret de la vie est trouvé pour eux ; ils ne sont plus que les deux termes d’une même destinée ; ils ne sont plus que les deux ailes d’un même esprit. Aimez, planez !