Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome V.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
LES MISÉRABLES. — L’IDYLLE RUE PLUMET.

miquelets, verdets, cadenettes, compagnons de Jéhu, chevaliers du brassard, voilà l’émeute. La Vendée est une grande émeute catholique.

Le bruit du droit en mouvement se reconnaît, et il ne sort pas toujours du tremblement des masses bouleversées ; il y a des rages folles, il y a des cloches fêlées ; tous les tocsins ne sonnent pas le son du bronze. Le branle des passions et des ignorances est autre que la secousse du progrès. Levez-vous, soit, mais pour grandir. Montrez-moi de quel côté vous allez. Il n’y a d’insurrection qu’en avant. Toute autre levée est mauvaise. Tout pas violent en arrière est émeute ; reculer est une voie de fait contre le genre humain. L’insurrection est l’accès de fureur de la vérité ; les pavés que l’insurrection remue jettent l’étincelle du droit. Ces pavés ne laissent à l’émeute que leur boue. Danton contre Louis XVI, c’est l’insurrection ; Hébert contre Danton, c’est l’émeute.

De là vient que, si l’insurrection, dans des cas donnés, peut être, comme a dit Lafayette, le plus saint des devoirs, l’émeute peut être le plus fatal des attentats.

Il y a aussi quelque différence dans l’intensité de calorique ; l’insurrection est souvent volcan, l’émeute est souvent feu de paille.

La révolte, nous l’avons dit, est quelquefois dans le pouvoir. Polignac est un émeutier ; Camille Desmoulins est un gouvernant.

Parfois, insurrection, c’est résurrection.

La solution de tout par le suffrage universel étant un fait absolument moderne, et toute l’histoire antérieure à ce fait étant, depuis quatre mille ans, remplie du droit violé et de la souffrance des peuples, chaque époque de l’histoire apporte avec elle la protestation qui lui est possible. Sous les Césars, il n’y avait pas d’insurrection, mais il y avait Juvénal.

Le facit indignatio remplace les Gracques.

Sous les Césars il y a l’exilé de Syène ; il y a aussi l’homme des Annales. Nous ne parlons pas de l’immense exilé de Pathmos qui, lui aussi, accable le monde réel d’une protestation au nom du monde idéal, fait de la vision une satire énorme, et jette sur Rome-Ninive, sur Rome-Babylone, sur Rome-Sodome, la flamboyante réverbération de l’Apocalypse.

Jean sur son rocher, c’est le sphinx sur son piédestal ; on peut ne pas le comprendre ; c’est un juif, et c’est de l’hébreu ; mais l’homme qui écrit les Annales est un latin ; disons mieux, c’est un romain.

Comme les Nérons régnent à la manière noire, ils doivent être peints de même. Le travail au burin tout seul serait pâle ; il faut verser dans l’entaille une prose concentrée qui morde.

Les despotes sont pour quelque chose dans les penseurs. Parole enchaînée, c’est parole terrible. L’écrivain double et triple son style quand le silence