Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/136

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Londres solennisait vos triomphes nouveaux,
Si jusqu’à son oreille engourdie et glacée
Arrivait le bruit sourd de la ville empressée,
Les canons, les beffrois, le pas des légions,
Et le peuple éclatant en acclamations.
Réveillée en sursaut et relevant sa tête,
Cherchant dans ses terreurs un prétexte à la fête,
Tremblante, elle criait : Grand Dieu ! mon fils est mort !

CROMWELL.
Dans le caveau des rois maintenant elle dort.
ÉLISABETH BOURCHIER.
Beau plaisir ! dort-on là plus à l’aise ? et sait-elle

Si vous y rejoindrez sa dépouille mortelle ?
Dieu veuille que ce soit bien tard !

LADY CLEYPOLE, d’une voix languissante.
C’est moi d’abord
Qui vous précéderai dans ce séjour de mort.

Mon père.

CROMWELL.
Eh quoi ! toujours ces lugubres pensées !
Toujours malade !
LADY CLEYPOLE.
Ah oui ! mes forces affaissées
S’en vont ; il me fallait l’air des champs, le soleil.

Pour moi, ce palais sombre au sépulcre est pareil.
Dans ces longs corridors et dans ces vastes salles
Règnent les noirs frissons et les nuits glaciales.
J’y serai bientôt morte !

CROMWELL, la baisant au front.
Allons, ma fille, allons !
Nous irons quelque jour revoir nos beaux vallons.

Encore un peu de temps, ici, m’est nécessaire.

MISTRESS FLETWOOD, aigrement.
Pour vous y faire un trône enfin ? soyez sincère,

Mon père, n’est-ce pas ? vous voulez être roi ?
Mais Fletwood, mon mari, l’empêchera bien !