Triple voile des deux, triple paroi du monde !
Et savoir quels soleils sont les lettres de feu
Dont brille au front des nuits la tiare de Dieu !
Toi, lire l’avenir ! Et pourrais-tu, profane,
Supporter sans mourir l’aspect du grand arcane !
Toi, qu’un terrestre soin préoccupe toujours,
Qu’as-tu fait pour cela de tes nuits, de tes jours ?
Quel mystère entrevu ? quelle épreuve subie ?
Vois mon front blême et nu ; j’ai l’âge de Tobie.
J’ai passé dans ce monde étroit, fallacieux,
Sans quitter un instant l’autre monde des yeux.
Songe ! en un siècle entier, pas un jour, pas une heure. —
Que de fois j’ai, la nuit, déserté ma demeure
Pour aller écouter aux portes des tombeaux.
Pour déranger un ver rongeant d’impurs lambeaux !
Combien j’étais heureux, roi du sombre royaume,
Quand j’avais pu changer un cadavre en fantôme,
Et forcer quelque mort, détaché du gibet,
À bégayer un mot du céleste alphabet !
Les morts m’ont révélé le problème des mondes ;
Et j’ai presque entrevu l’être aux splendeurs profondes
Qui, sur l’orbe du ciel comme aux plis du linceul.
Inscrit son nom fatal et connu de lui seul.
Mais toi ! — pour ton regard, mort dans sa nuit première.
Les constellations sont un feu sans lumière !
As-tu, dans le grand œuvre ardent à t’absorber.
Vu ta barbe blanchir, vu tes cheveux tomber ?
As-tu, bien qu’égalant les mages vénérables,
Traîné des jours proscrits, méprisés, misérables ?...
Oui, tandis que je vis d’une vie incomplète,
Puisqu’enfin cette chair couvre encor mon squelette,
Mon œil sert ici-bas tes plans ambitieux ;
Mais quand t’ai-je promis d’espionner les cieux ?
Il croit à sa science, il la vante proscrite !