Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/297

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MANASSÉ.
Un miracle…

CROMWELL.
Hé bien, quoi ?

MANASSÉ.
Un miracle.
CROMWELL.
Voyons : suis-je un miracle, moi ?

MANASSÉ, pensif.
Peut-être.
CROMWELL.
C’est le trône alors que tu m’annonces.

MANASSÉ.
Non. Je ne puis du ciel te changer les réponses.
CROMWELL.
Non ! — Qu’est-ce donc alors que cette vision ?

Était-ce de la mort une dérision ?
Mais vous autres plutôt, je crois bien que vous n’êtes
Qu’imposteurs, sur la terre exploitant les planètes.

MANASSÉ, gravement.
Mon fils, donne ta main, et ne blasphème pas.
Cromwell, comme subjugué par l’autorité de l’astrologue, lui présente sa main. Manassé la saisit, l’examine et chante à demi-voix sans la quitter des yeux.
Loin d’ici les mauvais génies,

Et les sorcières rajeunies
Par un philtre aux sucs vénéneux.
Les dragons, les esprits lunaires.
Et les fileuses centenaires
Qui soufflent en faisant des nœuds !

Loin tout fantôme en blanche robe.
L’aspic, la goule qui dérobe
Leur fétide proie aux corbeaux.
Les démons qui chassent aux âmes,
Les nains monstrueux, et les flammes

Qui voltigent sur les tombeaux !