Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome III.djvu/158

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LA TISBE.

Ah, mon Dieu ! vous n’avez pas besoin de me le dire. Et pourtant vous n’en avez pas le droit, car je ne vous appartiens pas. Je passe ici pour votre maîtresse, pour votre toute-puissante maîtresse, mais je ne la suis point, vous le savez bien.

ANGELO

Cette fête est magnifique, madame.

LA TISBE.

Ah ! je ne suis qu’une pauvre comédienne de théâtre, on me permet de donner des fêtes aux sénateurs, je tâche d’amuser notre maître, mais cela ne me réussit guère aujourd’hui. Votre visage est plus sombre que mon masque n’est noir. J’ai beau prodiguer les lampes et les flambeaux, l’ombre reste sur votre front. Ce que je vous donne en musique, vous ne me le rendez pas en gaîté, monseigneur. — Allons, riez donc un peu.

ANGELO.

Oui, je ris. — Ne m’avez-vous pas dit que c’était votre frère, ce jeune homme qui est arrivé avec vous à Padoue.


LA TISBE.

Oui. Après.?

ANGELO.

Vous lui avez parlé tout à l’heure. Quel est donc cet autre avec qui il était ?

LA TISBE.

C’est son ami. Un vicentin nommé Anatesto Galeofa.

ANGELO.

Et comment s’appelle-t-il, vofre frère ?

LA TISBE.

Rodolfo, monseigneur, Rodolfo. Je vous ai déjà expliqué tout cela vingt lois. Est-ce que vous n’avez rien de plus gracieux à me dire ?

ANGELO.

Pardon, Tisbe, je ne vous ferai plus de questions. Savez-vous que vous avez joué hier la Rosmonda d’une grâce merveilleuse, que cette ville est bien heureuse de vous avoir, et que toute l’Italie qui vous admire, Tisbe, envie ces padouans que vous plaignez tant? Ah ! toute cette foule qui vous applaudit m’importune. Je meurs de jalousie quand je vous vois si belle pour tant de