Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome III.djvu/55

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pas à cela. Et quel moment choisis-tu pour me dire des choses pareilles, Marie ? le moment de ma vie où je t’aime peut-être le plus ! C’est vrai, il me semble que je ne t’ai jamais tant aimée qu’aujourd’hui. Je ne parle pas ici à la reine. Pardieu, je me moque bien de la reine ! Qu’est-ce qu’elle peut me faire, la reine ? elle peut me faire couper la tête, qu’est-ce que cela ? Toi, Marie, tu peux me briser le cœur. Ce n’est pas votre majesté que j’aime, c’est toi. C’est ta belle main blanche et douce que je baise et que j’adore, et non votre sceptre, madame !

LA REINE.

Merci, mon Fabiano. Adieu. — Mon Dieu, mylord, que vous êtes jeune ! les beaux cheveux noirs et la charmante tête que voilà ! — Revenez dans une heure.

FABIANI.

Ce que vous appelez une heure, vous, je l’appelle un siècle, moi ! (Il sort.)

Sitôt qu’il est sorti, la reine se lève précipitamment, va à une porte masquée, l’ouvre, et introduit Simon Renard.



Scène II.

LA REINE, SIMON RENARD.
LA REINE.

Entrez, monsieur le bailli. Eh bien ! étiez-vous resté là ? l’avez-vous entendu ?

SIMON BENARD.

Oui, madame.

LA REINE.

Qu’en dites-vous ? Oh ! c’est le plus fourbe et le plus faux des hommes ! Qu’en dites-vous ?

SIMON RENARD.

Je dis, madame, qu’on voit bien que cet homme porte un nom en i.

LA REINE.

Et vous êtes sûr qu’il va chez cette femme la nuit ? vous l’avez vu ?

SIMON RENARD.

Moi, Chandos, Clinton, Montagu, dix témoins.

LA REINE.

C’est que c’est vraiment infâme !