Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome III.djvu/567

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Vous me reconnaissez, burgraves. — C'est le maître.
Celui qui subjugua l'Europe, et fit renaître
L'Allemagne d'Othon, reine au regard serein;
Celui que choisissaient pour juge souverain,
Comme bon empereur, comme bon gentilhomme,
Trois rois dans Mersebourg et deux papes dans Rome,

Et qui donna, touchant leurs fronts du sceptre d'or, 

La couronne à Suénon, la tiare à Victor;
Celui qui des Hermann renversa le vieux trône;
Qui vainquit tour à tour, en Thrace et dans Icône,
L'empereur Isaac et le calife Arshan ;
Celui qui, comprimahn Gènes, Pise, Milan,
Etouffant guerres, cris, fureurs trahisons viles,
Prit dans sa large main l'Italie aux cent villes ;
Il est là qui vous parle. Il surgit devant vous!
Il fait un pas, tous reculent.
— J'ai su juger les rois, je sais traquer les loups. —
J'ai fait pendre les chefs des sept cités lombardes;
Albert-l'Ours m'opposait dix mille hallebardes,
Je le brisai ; mes pas sont dans tous les chemins;
J'ai démembré Henri-le-Lion de mes mains,
Arraché ses duchés, arraché ses provinces;
Puis avec ses débris j'ai fait quatorze princes ;
Enfin j'ai, quarante ans, avec mes doigts d'airain,
Pierre à pierre émietté vos donjons dans le Rhin !
Vous me reconnaissez, bandits; je viens vous dire
Que j'ai pris en pitié les douleurs de l'Empire,
Que je vais vous rayer du nombre des vivants,
Et jeter votre cendre infâme aux quatre vents!
Il se tourne vers les archers.
Vos soldats m'entendront! Ils sont à moi. J'y compte.
Ils étaient à la gloire avant d'être à la honte.
C'est sous moi qu'ils servaient avant ces temps d'horreur,
Et plus d'un se souvient de son vieil empereur. ,
N'est-ce pas, vétérans? N'est-ce pas, camarades ?
Aux burgraves.
Ah ! mécréants ! félons ! ravageurs de bourgades !
Ma mort vous fait renaître. Eh bien! touchez, voyez,
Entendez ! c'est bien moi!
Il marche à grands pas au milieu d'eux. Tous s'écartent devant lui.
Sans doute vous croyez
Etre des chevaliers ! Vous vous dites : — Nous sommes
Les fils des grands barons et des grands gentilshommes.