Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome III.djvu/589

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Peux-tu donc hésiter? D'un côté, moi, front chauve,
Vieux damné, qu'à finir tout semble convier,
Moins héros que brigand, moins aigle qu’épervier,
Moi, dont souvent la vie impure et sanguinaire
A fait aux pieds de Dieu murmurer le tonnerre!
Moi, vieillesse, ennui, crime! et, de l'autre côté,
Innocence, vertu, jeunesse, amour, beauté!
Une femme qui t'aime ! un enfant qui t'implore!
O l'insensé ! qui doute et qui balance encore
Entre un haillon souillé, sans pourpre et sans honneur,
Et la robe de lin d'un ange du Seigneur !
Elle veut vivre et moi mourir ! — Quoi ! tu balances!
Quand tu peux d'un seul coup faire deux délivrances?
Si tu nous aimes!...

Otbert.
Dieu !

Job.
Délivre-nous tous deux!
Frappe ! — Pour le guérir d'un ulcère hideux.,
Saint Sigismond tua Boleslas. Qui l'en blâme?
Mon Otbert ! le remords, c'est l'ulcère de l'âme.
Guéris-moi du remords !

Otbert, prenant le couteau.
Eh bien!...
Il s'arrête.

Job.
Qui te retient?

Otbert, remettant le poignard au fourreau.
Savez-vous une idée affreuse qui me vient? —
Vous eûtes un enfant qu'une femme-bohème
Vola. — Vous l'avez dit ce matin. - Mais, moi-même
Une femme me prit tout enfant. Nous voyons
Se faire en ce temps-ci d'étranges actions !
— Si j'étais cet enfant? Si vous étiez mon père?

Job, à part.
Dieu !
Haut. La douleur, Otbert, t'égare et t'exaspère.
Tu n'es pas cet enfant! Je te le dis !

Otbert.