Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome IV.djvu/72

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Il faut prendre la terre et la rendre au ciel. Père,

Oui, la sphère terrestre, avec ses cris, sa guerre,

Ses royaumes, ses chocs, son fracas, son effroi,

C'est mon globe, entends-tu.

François de Paule


, se levant, et posant un doigt sur la tête de mort.

Voici ma sphère à moi..

Ce reste du destin qui naufrage et qui sombre,

La méditation de cette énigme, l'ombre

Que fait l'éternité sur ce néant pensif,

Ce crâne hors du gouffre humain, comme un récif,

Ces dents qui gardent, comme en leur aube première,

Le rire, après que l'oeil a perdu la lumière,

Ce masque affreux que tous nous avons sous nos fronts,

Cette larve qui sait ce que nous ignorons,

Ce débris renseigné sur la fin inconnue,

Oui, sous ce froid regard sentir mon âme nue,

Penser, songer, vieillir, vivre de moins en moins,

Avec ces deux trous noirs et fixes pour témoins,

Prier, et contempler ce rien, cette poussière,

Ce silence, attentifs dans l'ombre à ma prière,

Voilà tout ce que j'ai; c'est assez.

Torquemada


, à part.

Un éclair Traverse mon esprit en l'écoutant. Dans l'air,

Autrefois Constantin, qui de régner fut digne,

A vu le labarum .

Montrant la tête de mort.

Et moi je vois ce signe!

Et je vaincrai par lui, comme Constantin. Oui,

Ce saint ermite montre à mon oeil ébloui

L'autre forme du vrai, l'autre clarté chrétienne.

Oui, je garde ma sphère et je lui prends la sienne!

De sorte que l'écueil indiquera le port,

Et que la vie aura pour bannière la mort!

A François de Paule.

Écoute. Dominique a mal compris la flamme.

Elle est sublime, à moins qu'elle ne soit infâme.