Aller au contenu

Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome V.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
MANGERONT-ILS ?
LE ROI.

Coupons l’intrigue net. Personne, hors nous deux,
Ne connaît cette lettre arrêtée au passage.
Supprimons-la.

Il déchire la lettre en mille morceaux qu’il jette au vent par-dessus le parapet.
Supprimons-la. Jetons à la mer le message,

Et mets dans ton carnier le messager.

Mess Tityrus ouvre sa gibecière et y met le pigeon mort.
MESS TITYRUS.

Et mets dans ton carnier le messager. Milord,
Vous l’avais-je bien dit ? altesse, avais-je tort ?
Voulez-vous voir votre île en feu, fâchez les prêtres.

LE ROI.

Mess Tityrus, veux-tu mon avis sur ces traîtres
Qu’on nomme le clergé, sur ces tondus maudits,
Sur leur Alleluia, sur leur De Profundis ?
Le voici : leur autel, tréteau ; leur Dieu, sornette.
J’existe, moi.

MESS TITYRUS.

J’existe, moi. Milord, jugeant notre planète,
J’estime qu’un seigneur équestre et carnassier,
Flanqué de cent gaillards en chemise d’acier,
Est plus que Jésus-Christ suivi des douze apôtres.

LE ROI.

Douze pleutres. Je hais toutes ces patenôtres.
Ne t’imagine pas que je sois un niais !
Si tu m’as cru pieux, tu me calomniais.
Soyez crédules ; moi, je hausse les épaules.
Je suis sans préjugés. Pour vous autres, vils drôles,
La déesse Frigga, femme de l’ours Fenris,
Est mon aïeule. Oui-da ! c’est prouvé. Moi, j’en ris.
De vos religions je m’évade, et j’échappe
Au missel, au plain-chant, aux chasubles, au pape ;
Je hais leur ciel, leur bible, et leur prétention
De nous débarbouiller par la confession.