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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.

LE MARQUIS, tirant trois pistoles de son gousset.

Va.

MAGLIA, empochant.

Va. La masure est près de l’hôtel de Haro.
Un magnifique bœuf, accroché dans cet antre,
Ouvert du haut en bas par le milieu du ventre,
Pend, sanglant, rose et frais dans l’ombre du charnier.
Avec un crayon noir pris chez le charbonnier.
Quelqu’un a sur le mur écrit : je l’aime encore !
Trois petits enfants, doux et gais comme l’aurore,
Jasent sur le gazon, nappe aux vertes couleurs,
Qu’émaillent par endroits, à défaut d’autres fleurs,
Les morceaux d’un pot bleu, cassé par quelque ivrogne.
Le vieux toit est rongé comme un ducat qu’on rogne ;
Et d’en bas on entend à travers le plancher
Gémir une colombe et siffler le boucher.

Il regarde le duc qui se rebiffe.

C’est là qu’est votre Inez d’un voile brun couverte,
Regardant de côté par sa persienne verte.

LE MARQUIS.

C’est vrai.

LE DUC, au marquis.

C’est vrai. Fi ! toi, seigneur, si luisant au soleil,
Déterrer une fille en un taudis pareil !

MAGLIA.

C’est la fable : le Coq, le Fumier et la Perle.

Le vieux duc se rapproche de lui avec son papier, il se retourne
et se met en défense.

Moi, je ne suis pas coq, monseigneur, je suis merle.

Il siffle. Le duc s’en va.
LE MARQUIS, remettant une grosse bourse à Maglia.

Va trouver de ma part Inez, esprit subtil.

MAGLIA.

Il s’agit de changer la perle en grain de mil.
Je comprends.