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LE SPLEEN.

Aimer est un tourment ; n’aimer point est un mal ;
Quel diable de gâchis ! les pâles multitudes
Prennent du désespoir toutes les attitudes,
Et s’en vont comme passe un enfer d’opéra.
Les hommes à leur cou portent le choléra
Et la fièvre et la peste ainsi qu’une guirlande.
Le knout bat la Russie et la faim mord l’Irlande ;
Rome aujourd’hui sur l’arbre où saigne Dieu proscrit
Reclouerait Jésus-Christ au nom de Jésus-Christ.
Tout est fou. Le malheur et l’homme font la paire.
Moi je m’en vais. Mon rôle inepte m’exaspère.
Je suis un perroquet qu’embête son perchoir.
Le ciel est gris, la terre est froide, l’homme est noir.
Bref ! il me plaît de voir la fin de ce proverbe.

Pendant les paroles de Tituti et toute cette fin de la scène, l’homme grandit, se dilate, flotte, devient comme une fumée tout en conservant sa figure et cesse de poser les pieds à terre. Sa tête touche au plafond. En même temps Tituti chancelle sur sa chaise au-dessus de la vapeur bleue du réchaud, et sa voix va s’affaiblissant.
LE SPECTRE, chantant.

Ployez, brins d’herbe.
Au vent du soir !

TITUTI.

C’est la fin de nos maux que nos larmes demandent !

LE SPECTRE, chantant.

Les bons attendent.
Le méchant fuit.

TITUTI.

Je suis las d’être un homme et je veux être une ombre.

LE SPECTRE, chantant.

La porte sombre
S’ouvre sans bruit.

TITUTI.

Quoi ! les bons de leurs jours n’abrègent pas le nombre !