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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome V.djvu/73

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L’ÉPÉE.

Vous me teniez la main lorsque j’étais petit,
Ô monseigneur, souffrez qu’ainsi mon cœur vous nomme,
Celui qui chancelait jadis, gardé par l’homme
Qui maintenant chancelle, à son tour le défend ;
Parfois je me sens père et je vous vois enfant.
C’est mon âge à présent qui veille sur votre âge ;
La bise, qui sur vous souffle trop fort, m’outrage ;
Mon ambition, c’est vous servir. Je n’ai pas
D’autre rêve que d’être un bâton pour vos pas.
Oh ! le cœur filial que rien ne peut corrompre,
Je l’ai. Quand vous parlez, s’il osait interrompre,
Ô père, je dirais au tonnerre : Plus bas !

PRÊTRE-PIERRE, montrant les jeunes filles.

Une d’elles, mon fils, chaste épouse, en ses bras
Un jour te recevra, quand je serai sous l’herbe.
Qu’elle te rende heureux, ô mon enfant superbe,
Et je lui sourirai dans le tombeau profond.

KIELBO.

Nous partons. C’est midi. Les vendanges se font.
Noble Albos, donne-nous quelque chose à chacune
En souvenir de toi ; l’heure, cette importune,
Nous rappelle au travail, et nous nous en allons.

ALBOS, souriant.

Soit.

Toutes les jeunes filles se groupent devant Albos. Quelques-unes ont repris leurs paniers de raisins et les ont posés sur leurs têtes. Au premier rang est Kielbo, près d’elle Tivaro, vêtue en fille vouée à la Panagia. Puis Elettra, gaie, et en arrière de toutes, Mariamm.
ALBOS fait signe à Kielbo d’approcher.

Soit. Viens, toi.

Soit. Viens, toi. Il détache les fleurs de son chapeau.

Soit. Viens, toi. Je te donne, ô fleur de nos vallons,
Ce bouquet de jasmin, de verveine et de menthe.

TIVARO.

Et moi ?

Albos dénoue le chapelet de sa ceinture et le tend à Tivaro.