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Page:Hugo - Actes et paroles - volume 1.djvu/126

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AVANT L’EXIL. — CHAMBRE DES PAIRS.

Tout à l’heure, j’entendais dire à côté de moi : Mais prenez garde ! on ne provoque pas légèrement l’abrogation d’une loi de bannissement politique ; il y a danger ; il peut y avoir danger. Danger ! quel danger ? Quoi ? Des menées ? des intrigues ? des complots de salon ? la générosité payée en conspirations et en ingratitude ? Y a-t-il là un sérieux péril ? Non, messieurs. Le danger, aujourd’hui, n’est pas du côté des princes. Nous ne sommes, grâce à Dieu, ni dans le siècle ni dans le pays des révolutions de caserne et de palais. C’est peu de chose qu’un prétendant en présence d’une nation libre qui travaille et qui pense. Rappelez-vous l’avortement de Strasbourg suivi de l’avortement de Boulogne.

Le danger aujourd’hui, messieurs, permettez-moi de vous le dire en passant, voulez-vous savoir où il est ? Tournez vos regards, non du côté des princes, mais du côté des masses, — du côté des classes nombreuses et laborieuses, où il y a tant de courage, tant d’intelligence, tant de patriotisme, où il y a tant de germes utiles et en même temps, je le dis avec douleur, tant de ferments redoutables. C’est au gouvernement que j’adresse cet avertissement austère. Il ne faut pas que le peuple souffre ! il ne faut pas que le peuple ait faim ! Là est la question sérieuse, là est le danger. Là seulement, là, messieurs, et point ailleurs ! (Oui !) Toutes les intrigues de tous les prétendants ne feront point changer de cocarde au moindre de vos soldats, les coups de fourche de Buzançais peuvent ouvrir brusquement un abîme ! (Mouvement.)

J’appelle sur ce que je dis en ce moment les méditations de cette sage et illustre assemblée.

Quant aux princes bannis, sur lesquels le débat s’engage, voici ce que je dirai au gouvernement ; j’insiste sur ceci, qui est ma conviction, et aussi, je crois, celle de beaucoup de bons esprits : j’admets que, dans des circonstances données, des lois de bannissement politique, lois de leur nature toujours essentiellement révolutionnaires, peuvent être momentanément nécessaires. Mais cette nécessité cesse ; et, du jour où elles ne sont plus nécessaires, elles ne sont pas seulement illibérales et iniques, elles sont maladroites.