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Page:Hugo - Actes et paroles - volume 1.djvu/150

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AVANT L’EXIL. — RÉUNIONS ÉLECTORALES

sont les hommes libres. Dans la civilisation vraie, la marche de l’humanité est une ascension continuelle vers la lumière et la liberté ! (Acclamation.)

M. Paulin n’a jamais songé à attaquer les sentiments de M. Victor Hugo, mais il aurait voulu entendre sortir de sa bouche le grand mot, Association, le mot qui sauvera la république et fera des hommes une famille de frères. (On applaudit.)

M. Victor Hugo. — Ici encore, à beaucoup d’égards, nous pouvons nous entendre. Je n’attache pas aux mots autant d’efficacité que vous. Je ne crois pas qu’il soit donné à un mot de sauver le monde ; cela n’est donné qu’aux choses, et, entre les choses, qu’aux idées. (C’est vrai ! très bien !)

Je prends donc l’association, non comme un mot, mais comme une idée, et je vais vous dire ce que j’en pense.

J’en pense beaucoup de bien ; pas tout le bien qu’on en dit, parce qu’il n’est pas donné à l’homme, je le répète, de rencontrer ni dans le monde physique, ni dans le monde moral, ni dans le monde politique, une panacée. Cela serait trop vite fini si, avec une idée ou le mot qui la représente, on pouvait résoudre toutes les questions et dire : embrassons-nous. Dieu impose aux hommes un plus sévère labeur. Il ne suffit pas d’avoir l’idée, il faut encore en extraire le fait. C’est là le grand et douloureux enfantement. Pendant qu’il s’accomplit, il s’appelle révolution ; quand il est accompli, l’enfantement de la société, comme l’enfantement de la femme, s’appelle délivrance. (Sensation.) En ce moment, nous sommes dans la révolution ; mais, je le pense comme vous, la délivrance viendra ! (Bravo !)

Maintenant, entendons-nous.

Remarquez que, si je n’ai pas prononcé le mot association, j’ai souvent prononcé le mot société. Or, au fond de ces deux mots, société, association, qu’y a-t-il ? La même idée : fraternité.

Je veux l’association comme vous, vous voulez la société comme moi. Nous sommes d’accord.

Oui, je veux que l’esprit d’association pénètre et vivifie toute la cité. C’est là mon idéal ; mais il y a deux manières de comprendre cet idéal.