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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

celles qui, à côté d’une amélioration financière douteuse, me présenteraient une faute politique certaine.

C’est dans cette dernière catégorie que je range les réductions proposées par le comité des finances sur ce que j’appellerai le budget spécial des lettres, des sciences et des arts.

Ce budget devrait, pour toutes les raisons ensemble, être réuni dans une seule administration et tenu dans une seule main. C’est un vice de notre classification administrative que ce budget soit réparti entre deux ministères, le ministère de l’instruction publique et le ministère de l’intérieur.

Ceci m’obligera, dans le peu que j’ai à dire, d’effleurer quelquefois le ministère de l’intérieur. Je pense que l’assemblée voudra bien me le permettre, pour la clarté même de la démonstration. Je le ferai, du reste, avec une extrême réserve.

Je dis, messieurs, que les réductions proposées sur le budget spécial des sciences, des lettres et des arts sont mauvaises doublement. Elles sont insignifiantes au point de vue financier, et nuisibles à tous les autres points de vue.

Insignifiantes au point de vue financier. Cela est d’une telle évidence, que c’est à peine si j’ose mettre sous les yeux de l’assemblée le résultat d’un calcul de proportion que j’ai fait. Je ne voudrais pas éveiller le rire de l’assemblée dans une question sérieuse ; cependant, il m’est impossible de ne pas lui soumettre une comparaison bien triviale, bien vulgaire, mais qui a le mérite d’éclairer la question et de la rendre pour ainsi dire visible et palpable.

Que penseriez-vous, messieurs, d’un particulier qui aurait 1 500 francs de revenu, qui consacrerait tous les ans à sa culture intellectuelle, pour les sciences, les lettres et les arts, une somme bien modeste, 5 francs, et qui, dans un jour de réforme, voudrait économiser sur son intelligence six sous ? (Rire approbatif.)

Voilà, messieurs, la mesure exacte de l’économie proposée. (Nouveau rire.) Eh bien ! ce que vous ne conseilleriez pas à un particulier, au dernier des habitants d’un pays civilisé, on ose le conseiller à la France. (Mouvement.)