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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

M. Victor Hugo. — Je suis certain qu’en ce moment je parle à la conscience de l’assemblée.

Et savez-vous ce qu’il y a au fond de ces hésitations ? Je le dirai. (Rumeurs. — Parlez ! parlez !) Mon Dieu, messieurs, ces murmures ne m’étonnent ni ne m’intimident. (Exclamations.)

Ceux qui sont à cette tribune y sont pour entendre des murmures, de même que ceux qui sont sur ces bancs y sont pour entendre des vérités. Nous avons écouté vos vérités, écoutez les nôtres. (Mouvement prolongé.)

Messieurs, je dirai ce qu’il y avait au fond de ces hésitations, et je le dirai hautement, car la liberté de la tribune n’est rien sans la franchise de l’orateur. Ce qu’il y a au fond de tout cela, de tous ces actes que je rappelle, ce qu’il y a, c’est une crainte secrète du suffrage universel.

Et, je vous le dis, à vous qui avez fondé le gouvernement républicain sur le suffrage universel, à vous qui avez été longtemps le pouvoir tout entier, je vous le dis : il n’y a rien de plus grave en politique qu’un gouvernement qui tient en défiance son principe. (Profonde sensation.)

Il vous appartient et il est temps de faire cesser cet état de choses. Le pays veut être consulté. Montrez de la confiance au pays, le pays vous rendra de la confiance. C’est par ces mots de conciliation que je veux finir. Je puise dans mon mandat le droit et la force vous conjurer, au nom de la France qui attend et s’inquiète… (exclamations diverses), au nom de ce noble et généreux peuple de Paris, qu’on entraîne de nouveau aux agitations politiques…

Une voix. — C’est le gouvernement qui l’agite !

M. Victor Hugo. — Au nom de ce bon et généreux peuple de Paris, qui a tant souffert et qui souffre encore, je vous conjure de ne pas prolonger une situation qui est l’agonie du crédit, du commerce, de l’industrie et du travail. (C’est vrai !) Je vous conjure de fermer vous-mêmes, en vous retirant, la phase révolutionnaire, et d’ouvrir la période légale. Je vous conjure de convoquer avec empressement, avec confiance, vos successeurs. Ne tombez pas dans la faute du gouvernement provisoire. L’injure que les partis passionnés vous ont faite avant votre arrivée, ne la