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Page:Hugo - Actes et paroles - volume 1.djvu/218

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NOTES. — CHAMBRE DES PAIRS.

en deux parts le bon et le mauvais commerce, le commerce loyal et le commerce frauduleux ? Si je le pensais, je n’hésiterais pas à me rallier au système du gouvernement et de la commission. Mais je ne le pense pas.

Dans mon opinion, la marque facultative est une précaution illusoire. Pourquoi ? Messieurs les pairs, c’est que l’industrie n’est pas libre ; non, l’industrie n’est pas libre devant le commerce. Notez ceci : l’industrie a un intérêt, le commerce croit souvent en avoir un autre. Quel est l’intérêt de l’industrie ? Donner d’abord de bons produits, et, s’il se peut, des produits excellents, et, s’il se peut, dans les cas où l’industrie touche à l’art, des produits admirables. Ceci est l’intérêt de l’industrie, ceci est aussi l’intérêt de la nation. Quel est l’intérêt du commerce ? Vendre, vendre vite, vendre souvent au hasard, souvent à bon marché et à vil prix. À vil prix ! c’est fort cher. Pour cela, que faut-il au commerce, je dis au commerce frauduleux que je voudrais détruire ? Il lui faut des produits frelatés, falsifiés, chétifs, misérables, coûtant peu et pouvant, erreur fatale du reste, rapporter beaucoup. Que fait le commerce déloyal ? il impose sa loi à l’industrie. Il commande, l’industrie obéit. Il le faut bien. L’industrie n’est jamais face à face avec le consommateur. Entre elle et le consommateur il y a un intermédiaire, le marchand ; ce que le marchand veut, le fabricant est contraint de le vouloir. Messieurs, prenez garde ! Le commerce frauduleux qui n’a malheureusement que trop d’extension, ne voudra pas de la marque facultative ; il ne voudra aucune marque. L’industrie gémira et cédera. La marque obligatoire sera une arme. Donnez cette arme, donnez cette défense à l’industrie loyale contre le commerce déloyal. Je vous le dis, messieurs les pairs, je vous le dis en présence des faits déplorables que vous ont cités plusieurs nobles membres de cette Chambre, en présence des débouchés qui se ferment, en présence des marchés étrangers qui ne s’ouvrent plus, en présence de la diminution du salaire qui frappe l’ouvrier, et de la falsification des denrées qui frappe le consommateur ; je vous le dis avec une conviction croissante, devant la concurrence intérieure, devant la concurrence extérieure surtout, messieurs les pairs, fondez la sincérité commerciale ! (Mouvement.)

Mettez la marque obligatoire dans la loi.

L’industrie française est une richesse nationale. Le commerce loyal tend à élever l’industrie ; le commerce frauduleux tend à l’avilir et à la dégrader. Protégez le commerce loyal, frappez le commerce déloyal.