Page:Hugo - Actes et paroles - volume 1.djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
NOTES. — CONSEIL D’ÉTAT.

cipe de l’autorité. Ces résultats, je les ai énumérés longuement. Ils ne me satisfont guère. Je sens la nécessité d’en venir à un système fondé sur autre chose que le principe d’autorité.

Or, ici, il n’y a pas deux solutions. Du moment où vous renoncez au principe d’autorité, vous êtes contraints de vous tourner vers le principe de liberté.

Examinons maintenant la question des théâtres au point de vue de la liberté.

Je veux pour le théâtre deux libertés qui sont toutes deux dans l’air de ce siècle, liberté d’industrie, liberté de pensée.

Liberté d’industrie, c’est-à-dire point de privilèges ; liberté de pensée, c’est-à-dire point de censure.

Commençons par la liberté d’industrie ; nous examinerons l’autre question une autre fois. Le temps nous manque aujourd’hui.

Voyons comment nous pourrions organiser le système de la liberté. Ici, je dois supposer un peu ; rien n’existe.

Je suis obligé de revenir à mon point de départ, car il ne faut pas le perdre de vue un seul instant. La grande pensée de ce siècle, celle qui doit survivre à toutes les autres, à toutes les formes politiques, quelles qu’elles soient, celle qui sera le fondement de toutes les institutions de l’avenir, c’est la liberté. Je suppose donc que la liberté pénètre dans l’industrie théâtrale, comme elle a pénétré dans toutes les autres industries, puis je me demande si elle satisfera au progrès de l’art, si elle produira la rénovation du peuple. Voici d’abord comment je comprendrais que la liberté de l’industrie théâtrale fût proclamée.

Dans la situation où sont encore les esprits et les questions politiques, aucune liberté ne peut exister sans que le gouvernement y ait pris sa part de surveillance et d’influence. La liberté d’enseignement ne peut, à mon sens, exister qu’à cette condition ; il en est de même de la liberté théâtrale. L’état doit d’autant mieux intervenir dans ces deux questions, qu’il n’y a pas là seulement un intérêt matériel, mais un intérêt moral de la plus haute importance.

Quiconque voudra ouvrir un théâtre le pourra en se soumettant aux conditions de police que voici… aux conditions de cautionnement que voici… aux garanties de diverses natures que voici… Ce sera le cahier des charges de la liberté.

Ces mesures ne suffisent pas. Je rapprochais tout à l’heure la liberté des théâtres de la liberté de l’enseignement ; c’est que le théâtre est une des branches de l’enseignement populaire. Responsable de la moralité et de l’instruction du peuple, l’état ne doit point se résigner à un rôle négatif, et, après avoir pris quelques précautions, regarder, laisser aller. L’état doit installer, à côté des théâtres libres, des théâtres qu’il gouvernera, et où la pensée sociale se fera jour.