avait profité d’une trêve, puissamment imposée par son influence et par ses armes, pour faire quitter aux rois de la Grande-Bretagne ce titre de rois de France qu’ils avaient usurpé quatre cents ans, et qu’ils n’ont pas osé reprendre depuis, tant il leur fut alors bien arraché. La révolution avait effacé les fleurs de lys de l’écusson de France ; lui aussi, il les avait effacées, mais du blason d’Angleterre : trouvant ainsi moyen de leur faire honneur de la même manière dont on leur avait fait affront. Par décret impérial il divisait la Prusse en quatre départements, il mettait les Îles Britanniques en état de blocus, il déclarait Amsterdam troisième ville de l’empire, — Rome n’était que la seconde, — ou bien il affirmait au monde que la maison de Bragance avait cessé de régner. Quand il passait le Rhin, les électeurs d’Allemagne, ces hommes qui avaient fait des empereurs, venaient au-devant de lui jusqu’à leurs frontières dans l’espérance qu’il les ferait peut-être rois. L’antique royaume de Gustave Wasa, manquant d’héritier et cherchant un maître, lui demandait pour prince un de ses maréchaux. Le successeur de Charles-Quint, l’arrière-petit-fils de Louis XIV, le roi des Espagnes et des Indes, lui demandait pour femme une de ses sœurs. Il était compris, grondé et adoré de ses soldats, vieux grenadiers familiers avec leur empereur et avec la mort. Le lendemain des batailles, il avait avec eux de ces grands dialogues qui commentent superbement les grandes actions et qui transforment l’histoire en épopée. Il entrait dans sa puissance comme dans sa majesté quelque chose de simple, de brusque et de formidable. Il n’avait pas, comme les empereurs d’Orient, le doge de Venise pour grand échanson, ou, comme les empereurs d’Allemagne, le duc de Bavière pour grand écuyer ; mais il lui arrivait parfois de mettre aux arrêts le roi qui commandait sa cavalerie. Entre deux guerres, il creusait des canaux, il perçait des routes, il dotait des théâtres, il enrichissait des académies, il provoquait des découvertes, il fondait des monuments grandioses, ou bien il rédigeait des codes dans un salon des Tuileries, et il querellait ses conseillers d’état jusqu’à ce qu’il eût réussi à substituer, dans quelque texte de loi, aux routines de la procédure, la raison suprême et naïve
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