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DISCOURS DE CLÔTURE

s’éveillait épouvanté au milieu de la nuit. Une cloche, qu’on appelait la cloche d’argent, tintait au palais de justice, les catholiques couraient aux armes, les protestants étaient surpris dans leur sommeil, et un guet-apens, un massacre, un crime où étaient mêlées toutes les haines, haines religieuses, haines civiles, haines politiques, un crime abominable s’accomplissait. Eh bien ! aujourd’hui, dans ce même jour, dans cette même ville, Dieu donne rendez-vous à toutes ces haines et leur ordonne de se convertir en amour. (Tonnerre d’applaudissements.) Dieu retire à ce funèbre anniversaire sa signification sinistre ; où il y avait une tache de sang, il met un rayon de lumière (long mouvement) ; à la place de l’idée de vengeance, de fanatisme et de guerre, il met l’idée de réconciliation, de tolérance et de paix ; et, grâce à lui, par sa volonté, grâce aux progrès qu’il amène et qu’il commande, précisément à cette date fatale du 24 août, et pour ainsi dire presque à l’ombre de cette tour encore debout qui a sonné la Saint-Barthélémy, non seulement anglais et français, italiens et allemands, européens et américains, mais ceux qu’on nommait les papistes et ceux qu’on nommait les huguenots se reconnaissent frères (mouvement prolongé) et s’unissent dans un étroit et désormais indissoluble embrassement. (Explosion de bravos et d’applaudissements. — M. l’abbé Deguerry et M. le pasteur Coquerel s’embrassent devant le fauteuil du président. — Les acclamations redoublent dans l’assemblée et dans les tribunes publiques. — M. Victor Hugo reprend :)

Osez maintenant nier le progrès ! (Nouveaux applaudissements.) Mais, sachez le bien, celui qui nie le progrès est un impie, celui qui nie le progrès nie la providence, car providence et progrès c’est la même chose, et le progrès n’est qu’un des noms humains du Dieu éternel ! (Profonde et universelle sensation. — Bravo ! bravo !)

Frères, j’accepte ces acclamations, et je les offre aux générations futures. (Applaudissements répétés.) Oui, que ce jour soit un jour mémorable, qu’il marque la fin de l’effusion du sang humain, qu’il marque la fin des massacres et des guerres, qu’il inaugure le commencement de la concorde et de la paix du monde, et qu’on dise : — Le