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I

FUNÉRAILLES DE CASIMIR DELAVIGNE

20 décembre 1843.

Celui qui a l’honneur de présider en ce moment l’académie française ne peut, dans quelque situation qu’il se trouve lui-même, être absent un pareil jour ni muet devant un pareil cercueil.

Il s’arrache à un deuil personnel pour entrer dans le deuil général ; il fait taire un instant, pour s’associer aux regrets de tous, le douloureux égoïsme de son propre malheur. Acceptons, hélas ! avec une obéissance grave et résignée les mystérieuses volontés de la providence qui multiplient autour de nous les mères et les veuves désolées, qui imposent à la douleur des devoirs envers la douleur, et qui, dans leur toute-puissance impénétrable, font consoler l’enfant qui a perdu son père par le père qui a perdu son enfant.

Consoler ! Oui c’est le mot. Que l’enfant qui nous écoute prenne pour suprême consolation, en effet, le souvenir de ce qu’a été son père ! Que cette belle vie, si pleine d’œuvres excellentes, apparaisse maintenant tout entière à son jeune esprit, avec ce je ne sais quoi de grand, d’achevé et de vénérable que la mort donne à la vie ! Le jour viendra où nous dirons, dans un autre lieu, tout ce que les lettres pleurent ici. L’académie française honorera, par un public éloge, cette âme élevée et sereine, ce cœur doux et bon, cet esprit consciencieux, ce grand talent ! Mais, disons-le dès à présent, dussions nous être exposé à le redire, peu d’écrivains ont mieux accompli leur mission que M. Casimir