Page:Hugo - Actes et paroles - volume 2.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
LA LIBERTÉ DE L’ENSEIGNEMENT.

Messieurs, vous voulez beaucoup, dites-vous, la liberté de l’enseignement ; tâchez de vouloir un peu la liberté de la tribune. (On rit. Le bruit s’apaise.)

Avec ces doctrines qu’une logique inflexible et fatale entraîne, malgré les hommes eux-mêmes, et féconde pour le mal, avec ces doctrines qui font horreur quand on les regarde dans l’histoire… (Nouveaux cris : À l’ordre. L’orateur s’interrompant :)

Messieurs, le parti clérical, je vous l’ai dit, nous envahit. Je le combats, et au moment où ce parti se présente une loi à la main, c’est mon droit de législateur d’examiner cette loi et d’examiner ce parti. Vous ne m’empêcherez pas de le faire. (Très bien !) Je continue.

Oui, avec ce système-là, cette doctrine-là et cette histoire-là, que le parti clérical le sache, partout où il sera, il engendrera des révolutions ; partout, pour éviter Torquemada, on se jettera dans Robespierre. (Sensation.) Voilà ce qui fait du parti qui s’intitule parti catholique un sérieux danger public. Et ceux qui, comme moi, redoutent également pour les nations le bouleversement anarchique et l’assoupissement sacerdotal, jettent le cri d’alarme. Pendant qu’il en est temps encore, qu’on y songe bien ! (Clameurs à droite.)

Vous m’interrompez. Les cris et les murmures couvrent ma voix. Messieurs, je vous parle, non en agitateur, mais en honnête homme ! (Écoutez ! écoutez !) Ah çà, messieurs, est-ce que je vous serais suspect, par hasard ?

Cris à droite. — Oui ! oui !

M. Victor Hugo. — Quoi ! je vous suis suspect ! Vous le dites ?

Cris à droite. — Oui ! oui !

(Tumulte inexprimable. Une partie de la droite se lève et interpelle l’orateur impassible à la tribune.)

Eh bien ! sur ce point, il faut s’expliquer. (Le silence se rétablit.) C’est en quelque sorte un fait personnel. Vous écouterez, je le pense, une explication que vous avez provoquée vous-mêmes. Ah ! je vous suis suspect ! Et de quoi ?

Je vous suis suspect ! Mais l’an dernier, je défendais l’ordre en péril comme je défends aujourd’hui la liberté