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LE SUFFRAGE UNIVERSEL.

moder ses vieux essieux et ses vieilles roues, attelez-y dix-sept hommes d’état si vous voulez. (Rire universel.) Dix-sept hommes d’état de renfort ! (Nouveaux rires prolongés.) Traînez-le au grand jour du temps présent, eh bien ! quoi ! ce sera toujours le passé ! On verra mieux sa décrépitude, voilà tout. (Rires et applaudissements à gauche. — Murmures à droite. )

Je me résume et je finis.

Messieurs, cette loi est invalide, cette loi est nulle, cette loi est morte même avant d’être née. Et savez-vous ce qui la tue ? C’est qu’elle ment ! (Profonde sensation.) C’est qu’elle est hypocrite dans le pays de la franchise, c’est qu’elle est déloyale dans le pays de l’honnêteté ! C’est qu’elle n’est pas juste, c’est qu’elle n’est pas vraie, c’est qu’elle cherche en vain à créer une fausse justice et une fausse vérité sociales ! Il n’y a pas deux justices et deux vérités. Il n’y a qu’une justice, celle qui sort de la conscience, et il n’y a qu’une vérité, celle qui vient de Dieu ! Hommes qui nous gouvernez, savez-vous ce qui tue votre loi ? C’est qu’au moment où elle vient furtivement dérober le bulletin, voler la souveraineté dans la poche du faible et du pauvre, elle rencontre le regard sévère, le regard terrible de la probité nationale ! lumière foudroyante sous laquelle votre œuvre de ténèbres s’évanouit. (Mouvement prolongé.)

Tenez, prenez-en votre parti. Au fond de la conscience de tout citoyen, du plus humble comme du plus grand, au fond de l’âme — j’accepte vos expressions — du dernier mendiant, du dernier vagabond, il y a un sentiment sublime, sacré, indestructible, incorruptible, éternel, le droit ! (sensation) ce sentiment, qui est l’élément de la raison de l’homme ; ce sentiment, qui est le granit de la conscience humaine ; le droit, voilà le rocher sur lequel viennent échouer et se briser les iniquités, les hypocrisies, les mauvais desseins, les mauvaises lois, les mauvais gouvernements ! Voilà l’obstacle caché, invisible, obscurément perdu au plus profond des esprits, mais incessamment présent et debout, auquel vous vous heurterez toujours, et que vous n’userez jamais, quoi que vous fassiez ! (Non ! non !) Je vous le dis, vous perdez vos peines. Vous ne le