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Page:Hugo - Actes et paroles - volume 4.djvu/105

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LES FENIANS.

vous êtes en pleine possession de la virilité politique, vous pratiquez magnifiquement sous toutes les formes le grand droit civique, vous avez la liberté de la presse, la liberté de la tribune, la liberté de la conscience, la liberté de l’association, la liberté de l’industrie, la liberté domiciliaire, la liberté individuelle, vous allez par la réforme arriver au suffrage universel, vous êtes le pays du vote, du poll, du meeting, vous êtes le puissant peuple de l’habeas corpus. Eh bien ! à toute cette splendeur ajoutez ceci, Burke pendu, et, précisément parce que vous êtes le plus grand des peuples libres, vous devenez le plus petit !

On ne sait point le ravage que fait une goutte de honte dans la gloire. De premier, vous tomberiez dernier ! Quelle est cette ambition en sens inverse ? Quelle est cette soif de déchoir ? Devant ces gibets dignes de la démence de George III, le continent ne reconnaîtrait plus l’auguste Grande-Bretagne du progrès. Les nations détourneraient leur face. Un affreux contre-sens de civilisation aurait été commis, et par qui ? par l’Angleterre ! Surprise lugubre. Stupeur indignée. Quoi de plus hideux qu’un soleil d’où, tout à coup, il sortirait de la nuit !

Non, non, non ! je le répète, vous n’êtes pas l’Angleterre pour cela.

Vous êtes l’Angleterre pour montrer aux nations le progrès, le travail, l’initiative, la vérité, le droit, la raison, la justice, la majesté de la liberté ! Vous êtes l’Angleterre pour donner le spectacle de la vie et non l’exemple de la mort.

L’Europe vous rappelle au devoir.

Prendre à cette heure la parole pour ces condamnés, c’est venir au secours de l’Irlande ; c’est aussi venir au secours de l’Angleterre.

L’une est en danger du côté de son droit, l’autre du côté de sa gloire.

Les gibets ne seront point dressés.

Burke, M’Clure, M’Afferty, Kelly, Joice, Cullinane, ne mourront point. Épouses et filles qui avez écrit à un proscrit, il est inutile de vous couper des robes noires. Regardez avec confiance vos enfants dormir dans leurs