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MENTANA.

D’ailleurs tout est logique. Où sont les contresens ?
La gloire a le cachot, mais le crime a l’encens ;
De quoi vous plaignez-vous ? l’infâme étant l’auguste,
Le vrai doit être faux, et la balance est juste.
On dit au soldat : frappe ! il doit frapper. La mort
Est la servante sombre aux ordres du plus fort.
Et puis, l’aigle peut bien venir en aide au cygne !
Mitrailler est le dogme et croire est la consigne.
Qu’est pour nous le soldat ? du fer sur un valet.
Le pape veut avoir son Sadowa ; qu’il l’ait.
Quoi donc ? en viendra-t-on dans le siècle où nous sommes,
A mettre en question le vieux droit qu’ont les hommes
D’obéir à leur prince et de s’entre-tuer ?
Au prétendu progrès pourquoi s’évertuer
Quand l’humble populace est surtout coutumière ?
La masse a plus de calme ayant moins de lumière.
Tous les grands intérêts des peuples, l’échafaud,
La guerre, le budget, l’ignorance qu’il faut,
Courent moins de dangers et sont en équilibre
Sur l’homme garrotté mieux que sur l’homme libre.
L’homme libre se meut et cause un tremblement.
Un Garibaldi peut tout rompre à tout moment ;
Il entraîne après lui la foule, qui déserte
Et passe à l’idéal. C’est grave. On comprend, certe,
Que la société, sur qui veillent les cours,
Doit trembler et frémir et crier au secours,
Tant qu’un héros n’est pas mis hors d’état de nuire.

Le phare aux yeux de l’ombre est coupable de luire.

IV

Votre Garibaldi n’a pas trouvé le joint.
Çà, le but de tout homme ici-bas n’est-il point
De tâcher d’être dupe aussi peu que possible ?
Jouir est bon. La vie est un tir à la cible.