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PENDANT L’EXIL. — 1862.


Messieurs, encore un mot, et permettez, dans votre indulgence cordiale, que ce mot soit personnel.

Être au milieu de vous, c’est un bonheur. Je rends grâce à Dieu qui m’a donné, dans ma vie sévère, cette heure charmante. Demain je rentrerai dans l’ombre. Mais je vous ai vus, je vous ai parlé, j’ai entendu vos voix, j’ai serré vos mains, j’emporte cela dans ma solitude.

Vous, mes amis de France, — et mes autres amis qui sont ici trouveront tout simple que ce soit à vous que j’adresse mon dernier mot, — il y a onze ans, vous avez vu partir presque un jeune homme, vous retrouvez un vieillard. Les cheveux ont changé, le cœur non. Je vous remercie de vous être souvenus d’un absent ; je vous remercie d’être venus. Accueillez, — et vous aussi, plus jeunes, dont les noms m’étaient chers de loin et que je vois ici pour la première fois, — accueillez mon profond attendrissement. Il me semble que je respire parmi vous l’air natal, il me semble que chacun de vous m’apporte un peu de France, il me semble que je vois sortir de toutes vos âmes groupées autour de moi, quelque chose de charmant et d’auguste qui ressemble à une lumière et qui est le sourire de la patrie.

Je bois à la presse ! à sa puissance, à sa gloire, à son efficacité ! à sa liberté en Belgique, en Allemagne, en Suisse, en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Amérique ! à sa délivrance ailleurs !