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Page:Hugo - Actes et paroles - volume 4.djvu/56

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PENDANT L’EXIL. — 1864.

nom bon à quelque chose, servez-vous-en. Visez cet homme à la tête, que la liberté soit le projectile.

Il y a deux drapeaux tricolores, le drapeau tricolore de la république et le drapeau tricolore de l’empire ; ce n’est pas le premier qui se dresse contre vous, c’est le second.

Sur le premier on lit : Liberté, Égalité, Fraternité. Sur le second on lit : Toulon. 18 brumaire. — 2 décembre. Toulon.

J’entends le cri que vous poussez vers moi, je voudrais me mettre entre nos soldats et vous, mais que suis-je ? une ombre. Hélas ! nos soldats ne sont pas coupables de cette guerre ; ils la subissent comme vous la subissez, et ils sont condamnés à l’horreur de la faire en la détestant. La loi de l’histoire, c’est de flétrir les généraux et d’absoudre les armées. Les armées sont des gloires aveuglées ; ce sont des forces auxquelles on ôte la conscience ; l’oppression des peuples qu’une armée accomplit, commence par son propre asservissement ; ces envahisseurs sont des enchaînés ; et le premier esclave que fait le soldat, c’est lui-même. Après un 18 brumaire ou un 2 décembre, une armée n’est plus que le spectre d’une nation.

Vaillants hommes du Mexique, résistez.

La République est avec vous, et dresse au-dessus de vos têtes aussi bien son drapeau de France où est l’arc-en-ciel, que son drapeau d’Amérique où sont les étoiles.

Espérez. Votre héroïque résistance s’appuie sur le droit, et elle a pour elle cette grande certitude, la justice.

L’attentat contre la république mexicaine continue l’attentat contre la république française. Un guet-apens complète l’autre. L’empire échouera, je l’espère, dans sa tentative infâme, et vous vaincrez. Mais, dans tous les cas, que vous soyez vainqueurs ou que vous soyez vaincus, notre France reste votre sœur, sœur de votre gloire comme de votre malheur, et quant à moi, puisque vous faites appel à mon nom, je vous le redis, je suis avec vous, et je vous apporte, vainqueurs, ma fraternité de citoyen, vaincus, ma fraternité de proscrit.

Victor Hugo