cevons plus son doux visage ; nous nous sentons sous ses ailes. Les morts sont les invisibles, mais ils ne sont pas les absents.
Rendons justice à la mort. Ne soyons point ingrats envers elle. Elle n’est pas, comme on le dit, un écroulement et une embûche. C’est une erreur de croire qu’ici, dans cette obscurité de la fosse ouverte, tout se perd. Ici, tout se retrouve. La tombe est un lieu de restitution. Ici l’âme ressaisit l’infini ; ici elle recouvre sa plénitude ; ici elle rentre en possession de toute sa mystérieuse nature ; elle est déliée du corps, déliée du besoin, déliée du fardeau, déliée de la fatalité. La mort est la plus grande des libertés. Elle est aussi le plus grand des progrès. La mort, c’est la montée de tout ce qui a vécu au degré supérieur. Ascension éblouissante et sacrée. Chacun reçoit son augmentation. Tout se transfigure dans la lumière et par la lumière. Celui qui n’a été qu’honnête sur la terre devient beau, celui qui n’a été que beau devient sublime, celui qui n’a été que sublime devient bon.
Et maintenant, moi qui parle, pourquoi suis-je ici ? Qu’est-ce que j’apporte à cette fosse ? de quel droit viens-je adresser la parole à la mort ? Qui suis-je ? Rien. Je me trompe, je suis quelque chose. Je suis un proscrit. Exilé de force hier, exilé volontaire aujourd’hui. Un proscrit est un vaincu, un calomnié, un persécuté, un blessé de la destinée, un déshérité de la patrie ; un proscrit est un innocent sous le poids d’une malédiction. Sa bénédiction doit être bonne. Je bénis ce tombeau.
Je bénis l’être noble et gracieux qui est dans cette fosse. Dans le désert, on rencontre des oasis, dans l’exil on rencontre des âmes. Émily de Putron a été une des charmantes âmes rencontrées. Je viens lui payer la dette de l’exil consolé. Je la bénis de la profondeur sombre. Au nom des afflictions sur lesquelles elle a doucement rayonné, au nom des épreuves de la destinée, finies pour elle, continuées pour nous, au nom de tout ce qu’elle a espéré autrefois et de tout ce qu’elle obtient aujourd’hui, au nom de tout ce qu’elle a aimé, je bénis cette morte ; je la bénis dans sa beauté, dans sa jeunesse, dans sa douceur, dans sa vie et dans sa mort ; je te bénis, jeune fille, dans ta blanche