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II

LE CONDAMNÉ À MORT DE JERSEY
BRADLEY

lettre à un ami
Bruxelles, 27 juillet 1866.

Je suis en voyage, et vous aussi. Je ne sais où vous adresser ma lettre. Vous arrivera-t-elle ? La vôtre pourtant m’est parvenue, mais pas un des journaux dont vous me parlez. Vous me demandez d’intervenir ; mais je ne sais pas le premier mot de cette lugubre affaire Bradley. Et puis, hélas ! que dire ? Bradley n’est qu’un détail ; son supplice se perd dans le grand supplice universel. La civilisation, en ce moment, est sur le chevalet. En Angleterre, on rétablit la fusillade ; en Russie, la torture ; en Allemagne, le banditisme. À Paris, abaissement de la conscience politique, de la conscience littéraire, de la conscience philosophique. La guillotine française travaille de façon à piquer d’honneur le gibet anglais.

Partout le progrès est remis en question. Partout la liberté est reniée. Partout l’idéal est insulté. Partout la réaction prospère sous ses divers pseudonymes, bon ordre, bon goût, bon sens, bonnes lois, etc. ; mots qui sont des mensonges.