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Page:Hugo - Actes et paroles - volume 5.djvu/136

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DEPUIS L’EXIL. — BRUXELLES.

Mon cercle c’est mon droit, leur droit est mon compas ;
Qu’entre mes ennemis et moi tout s’équilibre ;
Si je les vois liés, je ne me sens pas libre.
À demander pardon j’userais mes genoux
Si je versais sur eux ce qu’ils jetaient sur nous.
Jamais je ne dirai : — Citoyens, le principe
Qui se dresse pour nous contre nous se dissipe ;
Honorons la droiture en la congédiant ;
La probité s’accouple avec l’expédient. —
Je n’irai point cueillir, tant je craindrais les suites,
Ma logique à la lèvre impure des jésuites ;
Jamais je ne dirai : — Voilons la vérité !
Jamais je ne dirai : — Ce traître a mérité,
Parce qu’il fut pervers, que, moi, je sois inique ;
Je succède à sa lèpre ; il me la communique ;
Et je fais, devenant le même homme que lui,
De son forfait d’hier ma vertu d’aujourd’hui.
Il était mon tyran, il sera ma victime. —
Le talion n’est pas un reflux légitime.
Ce que j’étais hier, je veux l’être demain.
Je ne pourrais pas prendre un crime dans ma main
En me disant : — Ce crime était leur projectile ;
Je le trouvais infâme et je le trouve utile ;
Je m’en sers ; et je frappe, ayant été frappé. —
Non, l’espoir de me voir petit sera trompé.
Quoi ! je serais sophiste ayant été prophète !
Mon triomphe ne peut renier ma défaite ;
J’entends rester le même, ayant beaucoup vécu,
Et qu’en moi le vainqueur soit fidèle au vaincu.
Non, je n’ai pas besoin, Dieu, que tu m’avertisses ;
Pas plus que deux soleils je ne vois deux justices ;
Nos ennemis tombés sont là ; leur liberté
Et la nôtre, ô vainqueur, c’est la même clarté.
En éteignant leurs droits nous éteignons nos astres.
Je veux, si je ne puis après tant de désastres
Faire de bien, du moins ne pas faire de mal.