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DEPUIS L’EXIL. — BRUXELLES.

C’est le phénomène qu’offre la Chine, d’un côté les tartares, de l’autre les chinois.

Et cependant la Commune incarne un principe, la vie municipale, et l’Assemblée en incarne un autre, la vie nationale. Seulement, dans l’Assemblée comme dans la Commune, on peut s’appuyer sur le principe, non sur les hommes. Là est le malheur. Les choix ont été funestes. Les hommes perdent le principe. Raison des deux côtés et tort des deux côtés. Pas de situation plus inextricable.

Cette situation crée la frénésie.

Les journaux belges annoncent que le Rappel va être supprimé par la Commune. C’est probable. Dans tous les cas n’ayez pas peur que la suppression vous manque. Si vous n’êtes pas supprimés par la Commune, vous serez supprimés par l’Assemblée. Le propre de la raison c’est d’encourir la proscription des extrêmes.

Du reste, vous et moi, quel que soit le devoir, nous le ferons.

Cette certitude nous satisfait. La conscience ressemble à la mer. Si violente que soit la tempête de la surface, le fond est tranquille.

Nous ferons le devoir, aussi bien contre la Commune que contre l’Assemblée ; aussi bien pour l’Assemblée que pour la Commune.

Peu importe nous ; ce qui importe, c’est le peuple. Les uns l’exploitent, les autres le trahissent. Et sur toute la situation il y a on ne sait quel nuage ; en haut stupidité, en bas stupeur.

Depuis le 18 mars, Paris est mené par des inconnus, ce qui n’est pas bon, mais par des ignorants, ce qui est pire. À part quelques chefs, qui suivent plutôt qu’ils ne guident, la Commune, c’est l’ignorance. Je n’en veux pas d’autre preuve que les motifs donnés pour la destruction de la Colonne ; ces motifs, ce sont les souvenirs que la Colonne rappelle. S’il faut détruire un monument à cause des souvenirs qu’il rappelle, jetons bas le Parthénon qui rappelle